Aller au contenu

Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
l’antinomie sociologique

croit sans y croire. Il fait semblant d’y croire, par concession à l’opinion, par déférence pour l’opinion, déférence condescendante et un peu dédaigneuse. M. Bergeret est donc un bon Audomarois. Mais il n’est pas un très bon Audomarois. Car il aime trop à raisonner, à épiloguer sur l’existence de Putois. Être un excellent Audomarois consisterait à admettre l’existence de Putois, parce que les autres l’admettent, sans la commenter ni la critiquer, et à en arriver enfin à se persuader soi-même de cet article de foi.

Le mythe de Putois est un bon exemple pour faire comprendre la nature des mythologies à l’usage des groupes et destinées à théoretiser et à justifier la suprématie du groupe sur l’individu.

Considérons quelques-unes de ces idéologies.

Il y a l’idéologie solidariste qui consiste à voiler l’antagonisme foncier qui fait de chaque individu l’ennemi de tous les autres, pour déployer à nos yeux la solidarité qui les relie ; solidarité réelle assurément, mais qui n’est qu’un des côtés du tableau : côté qu’on se plaît à mettre seul en lumière, en laissant l’autre côté dans une ombre prudente.

Il y a l’idéologie rationaliste, qui consiste à soutenir qu’il existe une vérité sociale qui s’impose aux individus ; que l’ordre social est un ordre logique, rationnel, devant lequel l’individu doit s’incliner. — Il y a l’idéologie égalitaire, dépendance de l’idéo-