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Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/296

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conclusions

aspire à se distinguer des autres et à primer les autres ; il aspire à plus d’indépendance et de puissance ; il revendique sa « différence » comme un gage de supériorité et un principe d’aristocratisation.

Un autre trait commun à l’individualisme uniciste et à l’individualisme aristocratique est un antichristianisme et un immoralisme déclaré ou latent.

Pour la conscience moderne, antichristianisme et immoralisme se confondent ou à peu près. Les deux idées de christianisme et de morale ne sont pas dissociées. Peut-être ne le seront-elles jamais. Notre morale moderne, même quand elle s’intitule rationaliste et scientifique, n’est pas autre chose qu’un prolongement de la morale chrétienne, une transposition de la morale chrétienne, une théorie seulement modifiée et rajeunie des valeurs morales chrétiennes : sacrifice de l’individualité, égalité des hommes, effacement de l’individu devant la communauté ; soumission à l’autorité, autrefois l’autorité religieuse ; maintenant l’autorité sociale. Le point d’aboutissement logique de cette morale est un mysticisme social, une religiosité sociale qui divinise la société et invite l’individu à s’incliner devant elle comme devant le moderne Jéhovah. A ce mysticisme social, l’individualisme, soit uniciste, soit aristocratique, oppose son athéisme social, son impiété sociologique, son irrespect des idoles sociales ; irrespect fondé sur un sentiment profond de l’indi-