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Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/297

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les antinomies entre l’individu et la société

vidualité, sur la volonté de sauvegarder les valeurs individuelles : énergie, indépendance, orgueil et noblesse personnels et de les défendre contre les prétentions de plus en plus envahissantes de la morale de groupe[1].

C’est pourquoi au fond de l’un et de l’autre individualisme on retrouve le même sentiment d’une antinomie entre l’individu et la société. Dans l’individualisme uniciste, cette idée est évidente. L’individu naît et demeure l’ennemi de la société. L’individualisme aristocratique semble compatible au premier abord avec le souci d’une culture humaine et d’une civilisation progressive. Mais l’antinomie entre l’individu et la société ne tarde pas à se faire jour. La sociabilité supérieure rêvée par l’aristocrate contraste trop avec la société réelle, toujours grégaire, inintelligemment conformiste, ennemie des supériorités et amoureuse de la médiocrité. En face du surhomme et contre lui, la société

  1. L’antichristianisme et l’antisociétisme immoraliste se combinent à doses variables chez les principaux représentants de la pensée individualiste. Stirner est un athée absolu dans l’ordre social et moral comme dans l’ordre religieux. Stendhal est, comme Stirner, un athée en tout genre. Vigny a abandonné le poin de vue chrétien. Il voit les cieux vides ; il oppose « le dédain à l’absence » et il professe pour la moderne idole : la société, le même dédain que pour l’ancien Jéhovah. Nietzsche déprécie les valeurs chrétiennes et les valeurs sociales modernes qui en procèdent. Gobineau déprécie comme Nietzsche le christianisme et ses valeurs morales et n’admet d’autre supériorité que la supériorité ethnique. Ibsen définit l’héroïsme non par une supériorité morale (point de vue chrétien) mais par une supériorité de force (énergie, intrépidité, intelligence).