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Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/80

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l’antinomie dans la vie affective

listes oublient que les idées n’ont d’influence que si elles tombent sur un sol favorable ; si elles ont une résonance dans l’organisme, que si elles ne sont pas seulement apprises et comprises, mais senties.

Ils oublient que la Raison n’est qu’une moyenne extraite-des sensibilités ; qu’elle leur est par suite postérieure et qu’elle dépend d’elles. Ils oublient encore, que la sensibilité déborde les limites de l’intelligence ; qu’il y a une logique des sentiments indépendante de la logique du raisonnement et combien plus puissante ! Logique du raisonnement et logique des sentiments ; ce sont là deux ordres différents et irréductibles, presque impénétrables l’un à l’autre. La logique des sentiments n’est pas modifiée par des enseignements abstraits. Elle plonge ses racines au plus profond de l’individu. C’est pourquoi il est vain de prétendre uniformiser les sensibilités par la culture intellectuelle.

La sensibilité présente, de par sa constitution même, plusieurs caractères réfractaires ou antinomiques aux influences sociales. D’abord l’unicité et l’incommunicabilité du sentiment. Le sentiment est ce qu’il y a de plus individuel dans l’être, de plus incommunicable. « Nulle part, dit M. Bergson, l’écrasement de la conscience individuelle (par le mot qui en est l’expression impersonnelle et sociale) n’est aussi frappant que dans les phénomènes du