Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/123

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chefs et les prêtres exerçaient seuls le monopole du commandement et du dogmatisme.

« Comment, se demande M. Tarde, la chasse humaine a-t-elle fait place à la guerre humaine, la crédulité au libre examen et le dogmatisme au mutuel enseignement ? La docilité au libre consentement et l’absolutisme au self-government ? le privilège à la loi égale pour tous, la donation ou le vol à l’échange ? l’esclavage à la coopération industrielle ? au mariage enfin tel que nous le connaissons, appropriation du mari par la femme et de la femme par le mari, le mariage primitif, appropriation de la femme par le mari sans nulle réciprocité ? — Je réponds : par l’effet lent et inévitable de l’imitation sous toutes ses formes[1]. »

C’est par une cascade d’imitations du supérieur par l’inférieur que se sont généralisés les privilèges du premier. Le besoin d’imiter le supérieur, d’être cru, d’être obéi, d’être servi comme lui, était une force immense qui a poussé peu à peu aux transformations que nous avons vues. La souveraineté populaire telle qu’elle s’exerce aujourd’hui n’est que la multiplication à des milliers d’exemplaires de la souveraineté monarchique, et sans l’exemple de celle-ci, incarné notamment dans Louis XIV, qui sait si celle-là eût été jamais conçue ? — Une troisième loi qui doit être regardée comme un corollaire de l’Imitation est la loi de l’Irréversible en histoire.

D’après M. Tarde, ce qui est capital dans l’histoire des sociétés est irréversible, c’est-à-dire ne peut se répéter à rebours dans le même ordre. — Une évolution sociale donnée est irréversible parce que des faits comme par exemple le passage du monopole à la liberté du commerce, de l’esclavage à la mutualité des services sont un corollaire des lois de l’imitation. — Or, ces lois peuvent cesser partiellement ou totalement

  1. Tarde, Les Lois de l’Imitation, p. 405 (Paris, F. Alcan).