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d’agir, et dans ce cas une société meurt, d’une mort partielle ou totale, mais elles ne peuvent pas se renverser. Ajoutons à cela que les courants d’imitation s’entrecroisent et s’entrelacent pour ainsi dire entre eux. Ces nœuds une fois noués ne peuvent plus se dénouer. — Pour les supposer dénoués, il faudrait admettre un bouleversement, un cataclysme complet de la civilisation.

Nous dirons maintenant quelques mots d’une autre loi d’évolution qui est également un corollaire des lois de l’Imitation. C’est la loi d’assimilation progressive dans les sociétés.

D’après M. Tarde, par suite de l’accumulation des imitations, les aspects de la vie sociale tendent à s’uniformiser. Un exemple est celui des toilettes masculines et féminines qui, après avoir été autrefois très différenciées comme coupes et comme tissus pour les diverses classes de la population et pour les diverses provinces de la France, tendent à s’uniformiser de plus en plus.

D’après M. Tarde, cette loi s’applique à tous les domaines d’activité sociale, et elle tend à transformer même la concurrence et la lutte, sous leurs diverses formes. « Par suite du rayonnement imitatif qui travaille incessamment et souterrainement pour ainsi dire à élargir le champ social, les phénomènes sociaux vont s’élargissant, et la guerre participe à ce mouvement. D’une multitude infinie de très petites, mais très âpres guerres entre petits clans, on passe à un nombre déjà bien moindre de guerres un peu plus grandes, mais moins haineuses entre petites cités, puis entre grandes cités, puis entre peuples qui vont grandissants, et enfin on arrive à une ère de très rares conflits très grandioses, mais sans férocité aucune, entre des colosses nationaux que leur grandeur même rend pacifiques[1]. »

  1. Tarde, Les Lois sociales, p. 90.