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D’après lui, tout progrès pour être durable doit se faire lentement et suivant une évolution régulière, par une sorte de compromis entre les deux influences adverses : l’influence conservatiste et misonéiste et la tendance à la variabilité. « Une nation, dit-il, qui vient de gagner la variabilité sans perdre la légalité, a des chances toutes particulières de devenir une nation dominante[1]. » L’exemple de Rome offre, suivant ce sociologue, une vérification lumineuse de cette loi.

Toutefois aussi le progrès se fait parfois par révolution violente. « Il y a une forme dynamiquement violente de la lutte collective, » dit M. Sighele. D’après ce sociologue, « les sectes, ces associations de vaincus et de mécontents que les vainqueurs et les heureux regardent, par une illusion égoïste, comme le germe de la dissolution sociale, ne sont cependant que le germe d’une transformation et d’un renouvellement inéluctables[2] ».

Quel est maintenant le sens probable du progrès ?

Plusieurs formules ont été proposées.

Suivant M. Tarde, le progrès d’une société est caractérisé par une augmentation d’organisation et une diminution de vitalité et d’activité. « À mesure qu’elle s’étend, s’accroît, perfectionne et complique ses institutions, une société perd de sa fougue civilisatrice et progressiste ; car elle en a fait cet usage. Autrement dit, elle s’enrichit de croyances plus que de désirs, s’il est vrai que la substance des institutions sociales consiste dans la somme de foi et d’assurance, de vérité et de sécurité, de croyances unanimes en un mot qu’elles incarnent, et que la force motrice du progrès social consiste dans la somme de curiosités et d’ambitions, de désirs solidaires, dont il est l’expression. Le véri-

  1. Bagehot, Lois scientifiques du développement des Nations, p. 67.
  2. Sighele, Psychologie des Sectes, p. 99.