Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/183

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La niche un peu hardie, le petit vol, l’escalade d’un mur, qu’aucun n’aurait osé faire ou même méditer tout seul, ils y songent, et ils le font quand ils se trouvent plusieurs ou beaucoup ensemble. Nous-mêmes, nous autres hommes, nous devons reconnaître que s’il y a un cas où nous pouvons faillir aux lois de la délicatesse ou à celles de la pitié, c’est justement alors que nous sommes plusieurs ensemble ; car le courage du mal s’éveille en nous, et nous jugeons à la légère l’action peu correcte que seuls nous n’aurions jamais accomplie[1]. »

D’après Schopenhauer, la conscience sociale semble être l’incarnation du vouloir-vivre pur, séparé de l’intellect, du vouloir-vivre stupide, férocement et brutalement égoïste. La conscience individuelle est le foyer mystérieux où jaillit la petite flamme de l’intelligence libératrice qui soulève l’être au-dessus des égoïsmes et des férocités du vouloir-vivre. Qu’on interprète cette vue de Schopenhauer dans le sens pessimiste ou dans tout autre sens, peu importe ; cette vue est incontestable comme constatation d’un fait. La conscience sociale envisageant tout du point de vue statique, c’est-à-dire du point de vue des intérêts immédiats du groupe, est forcément oppressive et bornée ; la conscience individuelle qui concentre en elle les influences intellectuelles et morales qui composent ce dynamisme social qui se développe de génération en génération a devant elle des horizons illimités. Elle est la mère de l’Idéal, le foyer de lumière et de vie, le génie de libération et de salut.


  1. Sighele, op. cit., p. 215.