Aller au contenu

Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sente l’Individualisme et en est l’incarnation sociale la plus puissante. M. Jaurès a très bien mis en lumière cette vérité dans son article de la Revue de Paris : Socialisme et Liberté[1].

Mais en sera-t-il toujours ainsi ? Quand il sera parvenu au pouvoir, quand il sera un parti gouvernant, le socialisme sera-t-il encore libéral et individualiste ?

C’est la question qui se pose. Car peut-être alors les germes d’anti-individualisme contenus dans le socialisme se développeront-ils.

Quels sont ces germes ?

Il y en a qui sont évidents et sur lesquels les adversaires du Socialisme ont depuis longtemps insisté. Citons par exemple la manie probable d’administration et de réglementation à outrance ; la prétention accrue de la société au droit de contrôler l’activité des individus, l’omnipotence de plus en plus grande de l’opinion qui deviendrait dans le régime socialiste la principale sanction morale. Or, on sait combien l’opinion est aveugle, tyrannique, accessible aux préjugés de toute sorte, combien enfin elle est anti-individualiste.

Un autre point par où le Socialisme semble en contradiction avec l’Individualisme, c’est le dogmatisme unitaire, le monisme social et moral où il semble tendre infailliblement. On sait en effet que beaucoup de socialistes croient à un monisme final, à une uniformisation économique et morale de l’humanité. M. Jaurès lui-même semble accepter ce point de vue. Il parle de la « grande paix socialiste », de « l’harmonie qui jaillira du choc des forces et des instincts[2] ». Ce sont là de beaux rêves. Mais on sait aussi que tout dogmatisme et tout conformisme social, toute doctrine sociale unitaire sont un péril pour la diversité individuelle, pour la liberté et l’indépendance de l’Individu ; car elles

  1. Revue de Paris, 1er décembre 1898.
  2. Ibid., p. 508 et 509.