Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/187

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visent plus ou moins directement à réclamer le sacrifice de l’Individu à la communauté. Suivant nous, il y a contradiction entre le point de départ individualiste de M. Jaurès et son point d’arrivée, le monisme social final. Parti d’une prémisse libertaire, il aboutit à une espèce de mysticisme social. Proudhon qu’il qualifie de poète et de sophiste a raison contre lui, quand il proclame l’éternité et l’indestructibilité de la catégorie de la diversité et de la lutte. Au fond, Jaurès est un platonicien, malgré son inspiration individualiste initiale. Chez lui, le Socialisme revient finalement à sa forme antique : la subordination de l’Individu à la communauté. — Pour nous, nous sommes les adversaires résolus de tout dogmatisme, de tout monisme social, parce que nous les considérons comme une menace pour l’Indépendance de l’Individu et pour l’énergie individuelle. Pour nous dogmatisme et monisme sont synonymes d’absolutisme, de coaction et de contrainte. Tous les dogmatismes sociaux et moraux ont une tendance à devenir tyranniques. Et c’est pourquoi Nietzche a eu raison de protester contre eux au nom de l’instinct de beauté et au nom de l’instinct de grandeur. Ces dogmatismes autorisent le contrôle autoritaire de la conscience individuelle par la conscience sociale, au nom de prétendues règles infaillibles et la mise en quarantaine sociale de ceux qui contreviennent à ces règles. Nous ne disons pas que toutes ces conséquences soient contenues dans la conception socialiste de M. Jaurès. Mais des esprits moins libéraux que lui pourraient les en déduire, et en tout cas elles constituent au sein du Socialisme un péril pour l’Individualisme.

Il importe ici de dire un mot des arguments qu’invoquent les partisans du dogmatisme social, en entendant par dogmatisme social la doctrine de ceux qui posent l’existence de la société comme antérieure et supérieure à celle de l’Individu.