Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/191

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analytique essayeraient en vain de déterminer. Il n’y a point en histoire de but final qui, au moment même où il serait atteint, ne se trouverait dépassé. Chaque but final ne peut jamais signifier qu’un point provisoire dans l’orientation du mouvement. Dans sa marche vers le but final, le mouvement historique le déplace incessamment. Ce qu’on appelle l’idéal d’un mouvement ne se trouve point à son terme final ; mais il l’accompagne à chaque instant et se déplace avec lui : il voyage avec lui comme la colonne de feu avec Israël. Aussi longtemps qu’un mouvement historique se propose un but final au sens propre du mot, il est prématuré ; il vit encore dans les songes de l’enfance. Sans doute, cette phase est nécessaire. Mais de même que l’enfant grandit, il vient un jour où le mouvement historique se rit des espérances enfantines. Si un mouvement historique survit à ce jour, c’est la pierre de touche de son droit à l’existence. Le socialisme a jeté par-dessus bord son « But final » ; mais il possède en revanche un idéal qui au lieu d’être devant lui, est en lui et lui imprime son empreinte[1]. »

Pour notre part, nous répudions, comme ce sociologue, un socialisme à forme dogmatique et immobilisée. Mais nous admettons la possibilité d’un socialisme dynamique, d’un socialisme en devenir éternel, d’un socialisme porté et créé par les volontés individuelles au lieu de s’imposer à elles, en un mot d’un socialisme qui serait l’Individualisme.

Mais il faut que ce socialisme échappe, comme nous l’avons dit, à la chimère dangereuse du monisme social. Il faut aussi qu’il échappe à la chimère de l’égalité absolue.

Il y a une inégalité qu’on peut supprimer, c’est celle des classes ; mais il y en a une qu’on ne peut faire disparaître, c’est celle des individus.

  1. Socialistische Monatshefte, loc. cit.