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DE L’ART DE TERRE.

en telles commissions i’estois tresbien payé, aussi ay-ie entretenu long temps la vitrerie, iusques à ce que i’aye esté asseuré pouuoir viure de l’art de terre : aussi en cherchant ledit art i’ay apprins à faire l’alchimie auec les dents, ce qu’il te facheroit beaucoup de faire. Voila comment i’ay eschappé le temps que i’ay employé à chercher ledit art.

Theorique.

Ie sçay que tu as enduré, beaucoup de pauuretez et d’ennuis en le cherchant : mais il ne sera pas ainsi de moy : car ce qui t’a fait endurer, ce a esté à cause que tu estois chargé de femme et d’enfans. Or d’autant que au parauant tu n’en auois nulle connoissance, et qu’il te failloit deuiner, par ce aussi que tu ne pouuois laisser ton mesnage pour aller apprendre ledit art en quelque boutique, aussi que tu n’auois moyen d’entretenir aucuns seruiteurs qui te peussent faire quelque chose pour t’amener au chemin de l’art susdit. Tous ces defauts t’ont causé les ennuis et miseres susdites. Mais il ne sera pas ainsi de moy : par ce que suyant ta promesse tu me donneras par escrit tous les moyens d’obuier aux pertes et hazards du feu : aussi les matieres dont tu fais les esmaux et la dose, mesures et composition d’iceux. Ainsi faisant, pourquoy ne feray-ie de belles choses sans estre en danger de rien perdre, attendu que tes pertes me seruiront d’exemple pour me garder et guider en exerçant ledit art ?

Practique.

Quand i’aurois employé mille rames de papier pour t’escrire tous les accidens qui me sont suruenuz en cherchant ledit art, tu te dois asseurer que, quelque bon esprit que tu ayes, il t’auiendra encores vn millier de fautes, lesquelles ne se peuuent apprendre par lettres, et quand tu les aurois mesme par escrit, tu n’en croiras rien iusques à ce que la pratique t’en aye donné vn millier d’afflictions. Toutesfois afin que tu n’ayes occasion de m’appeller menteur, ie te mettray icy par ordre tous les secrets que i’ay trouué en l’art de terre, ensemble les compositions et diuers effects des esmaux ; aussi te diray les diuersitez des terres argileuses, qui sera vn point lequel il te faudra bien noter. Or afin de mieux te faire entendre ces choses, ie te feray vn discours pris dés le commencement que ie me mis en deuoir de chercher ledit art, et par là tu oras les calamitez que i’ay endurées aupa-