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PRÉFACE. 7

Un Dictionnaire universel devroit être un Code de Littérature & de Belles-Lettres ; celui de Trévoux, plus occupé à copier les phrases de nos bons Auteurs qu'à recueillir & exposer les principes & les préceptes de la nature & de l’Art, n’enseigne presque rien sur des objets si interessans : c’est ce qu'on remarquera à tous les articles qui ont rapport à l'Eloquence, à la Poësie, & aux différens styles qu'exigent les différens genres d’écrire. On n’y trouve aucune règle pour la bonne prononciation, ni pour la quantité prosodique des syllabes : ce point étoit cependant essentiel dans un Livre fait pour apprendre l'usage de la Langue, & pour montrer l'emploi des mots qui la composent. Cette seule omission doit être une source d’erreurs pour les Etrangers & pour la plu plupart des Nationaux qui, n’étant point à portée de connoître les loix ou les caprices de l’usage prononcent les mots comme ils les trouvent écrits. Ce Dictionnaire, dit universel, n'indique point les nuances fines et délicates qui différencient un même mot placé différemment ou plusieurs mots crus synonymes. On n'y voit point cette gradation philosophique qui fait appercevoir d'un coup d'œil l'origine, la filiation les sens différens, la vraie valeur & le meilleur emploi d’un mot pris séparément ou réuni avec d’autres. On n’y dit que très-peu de chose sur le régime des verbes, sur la manière de conjuguer ceux qui sont irréguliers & sur quantité d'autres détails de Grammaire dont la connoissance est indispensable pour écrire & pour parler avec pureté.

Outre tant d’omissions, on peut encore se plaindre avec fondement de l'ambiguité, de l’obscurité même, & sur-tout de l’insuffisance & de l’inexactitude de la plupart des définitions. Le Principal & le seul mérite de ce Livre, si ce n'est pas un vice, est d’avoir accumulé une foule d’exemples tirés d'Auteurs connus : mais ces exemples ainsi entassés fatiguent bien plus le Lecteur qu’ils ne l'instruisent ; & comme le remarque très-bien l’Académie Françoise, dans son Dictionnaire, des phrases composés exprès pour rendre sensible toute l'énergie d’un mot, & pour marquer de quelle manière il veut être employé, donnent une idée plus nette & plus précise de la juste étendue de sa signification, que des phrases tirées de nos bons Auteurs, qui n’ont pas eu ordinairement de pareilles vues en écrivant ordinairement.

Ce sont tous ces défauts du Dictionnaire de Trévoux qui ont fait naître l'idée du grand Vocabulaire François. Nous assurons que ce Dictionnaire n’a de commun avec notre Livre que l'ordre alphabétique comme on peut s’en convaincre, en