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citoyen, ne sente qu’il est lésé, que toute son existence sociale est précaire et dégradante, quand elle dépend d’une législation transatlantique sourde aux représentations presqu’unanimes des parties intéressées établies en Amérique ; pas un qui ne dût s’afficher comme un mécontent aussi longtemps que subsiste cette inique agression. S’il faut obéir à une mauvaise loi pour n’être pas puni, du moins ne faut-il pas aimer l’autorité qui l’impose, ni garder un honteux silence. Il faut dire et faire tout ce qui est légalement possible pour la faire abroger.

Avant l’acte d’Union, il y avait une opinion publique forte. Des élections générales ne donnèrent jamais d’inquiétude sur leur résultat. Le parti populaire était assuré de sortir de chacune d’elles mieux uni et plus nombreux. L’attitude plein de fierté que conservait la représentation vis-à-vis de l’exécutif et l’indépendance des débats parlementaires, préparaient les populations non seulement de cette province mais aussi celles des provinces voisines, à entrevoir dans un avenir indéterminé mais certain, le jour de pleine liberté qui luira successivement sur chaque portion du continent américain.

Avant que les chartes de ces colonies eussent été déchirées par la puissance des bayonnettes et par l’intervention du parlement d’outre-mer contre ceux des Canadas, le peuple y était fort, représenté en dernier lieu, dans l’une des provinces, par quatre-vingt-huit représentants, dans l’autre par soixante et quelques. Si l’on avait honnêtement voulu avec l’acte d’union, concéder en vérité le gouvernement responsable, l’on eût respecté des droits acquis, laissé à chaque province sa représentation, trop nombreuse alors pour être facilement intimidée ou achetée. Mais la réduction du nombre, mais l’arrangement artificieux et artificiel de la représentation, prouve à quiconque ne veut pas fermer les yeux à la lumière ni son entendement à l’évidence, quel a été le machiavélisme des ministres qui, en concédant en théorie le pouvoir aux représentants, se ménageaient des ressources pour que les gouverneurs leurs agents, eussent des chances de corrompre à sa source partie de la représentation dans les sept petits bourgs ou villes du Haut-Canada, et dans plusieurs comtés de la Province unie où une très faible population de colons nouveaux venus, débiteurs de la couronne, n’ayant pas encore d’affection locale, sont tout prédisposés à soutenir aveuglément les prétentions de chaque gouverneur quelles qu’elles soient et faisant naître chez ceux-ci le désir de gouverner personnellement ou avec quelques affidés secrets et irresponsables, désir qui n’eût pu naître, si le seul système rationnel, de proportionner après chaque recensement la représentation à la population, avait été établi.

Mais, objectera-t-on, pourquoi demander ce qui sera refusé ? Pourquoi ? parce que la demande est juste. Pourquoi ? parce qu’elle