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D’une part, il ne connut pas le vrai en entier : nul blâme pour cela.

D’autre part, il put être persuadé qu’il serait plus prudent de ne pas dire aujourd’hui ce qui serait plus utilement dit demain. La considération de l’utile doit dominer chez l’homme d’action. Mais la considération de la vérité, de la vérité absolue et toute entière sur les faits et les hommes historiques, doit seule diriger la plume libre de l’historien.

S’il croit qu’il n’est pas prudent de la dévoiler toute à un moment donné, et que le temps n’est pas encore venu pour lui de tout dire, c’est son droit de différer, pourvu qu’il la garde en portefeuille jusqu’au jour où la révélation n’aura plus d’inconvénient. Qui sait ? il en a peut-être été ainsi pour M. Garneau !

Depuis que sa belle histoire du Canada a été publiée, beaucoup de nouveaux documents historiques ont été découverts, qui jetteront un plus grand jour sur le passé récent.

Ils font désirer une nouvelle édition de ce bel ouvrage.

Heureusement M. Garneau laisse des enfants dignes de leur bon et illustre père, dignes d’être les continuateurs du noble monument qu’il a érigé et consacré à l’honneur de son Canada bien-aimé. – Le ciel leur a départi à tous, et à l’aîné en particulier, que j’ai l’honneur de mieux connaître, une supériorité de talents qui lui permettrait d’enrichir son pays d’une nouvelle édition plus complète. Il est à la source la plus abondante qu’il y ait au pays (la bibliothèque du Parlement) de tout ce qui a été imprimé de relatif au Canada. Son caractère loyal lui ouvre de plein droit les archives manuscrites de toutes les communautés, des conseils exécutifs et législatifs, des secrétariats provinciaux, des greffes de toutes les cours ; enfin celles des familles privées, qui contiennent beaucoup plus d’écrits relatifs aux diverses époques de notre histoire qu’on ne le pense communément. Ces dernières sources feront mieux connaître l’état de notre société qu’il n’a encore été donné de le faire.

Il n’y avait pas eu de gouvernement légitime au pays. L’aristocratie en est avertie et le reconnaît. Le règne du mal sans mélange va donc finir ; celui du bien va-t-il commencer ? Toute la sagesse et toute l’autorité de l’État réunies en parlement nous donnent le troisième genre d’administration, la première charte parlementaire.

Il devenait urgent de ne pas soulever l’Amérique entière. Les treize anciennes colonies s’agitent et ne veulent pas se laisser taxer par la métropole. En attendant une partie plus sérieuse, elles jouent à brûler le roi et ses ministres en effigie, elles défendent l’importation des timbres ; et quand il s’en est glissé en contrebande, elles enjoignent aux receleurs de les empaqueter et de les renvoyer à la trésorerie anglaise, qui n’en sera pas quitte pour ses frais d’inutiles impressions. Elles jettent à la mer les thés taxés par la haute sagesse, la pleine justice, la toute-puissance du parlement. Elles s’étudient à avoir raison contre lui par des protestations et des écrits irréfutables. Enfin, la raison ne pouvant rien contre une obstination injuste et présomptueuse, il fallut songer à se confédérer, à s’organiser en puissance sous la direction d’un congrès.

Les puissances peuvent rester postulantes pour escamoter de l’argent à l’aristocratie ; l’argent dépensé, elles deviennent hargneuses. Alors l’une dit à l’autre : « Servante, je vous ai trop payée. » L’autre répond : « Nous en connaissons qui nous paieront mieux. » Il me semble avoir naguère entendu pareil dialogue, échangé entre Londres et Ottawa. Il se répétera en crescendo.

Le second congrès sonne le tocsin à Philadelphie par la Déclaration inspirée de l’Indépendance. Il a noyé en foule des aristocraties de naissance et de privilège, pour les remplacer par des aristocraties divines, celles du génie, du savoir, des vertus publiques, celles qui font leurs preuves de vraie noblesse dans les concours ouverts à la libre compétition entre toutes les classes de citoyens d’un même pays ; dans l’équitable système électif, où le plus pauvre en fortune peut devenir le plus haut placé dans la hiérarchie sociale, s’il est le plus riche en mérite, et sous l’heureux fonctionnement duquel on peut s’assurer des successions de Présidents, qui seront tous des hommes de transcendante supériorité et tels que l’hérédité n’en peut donner.

Les monarques médiocres, les souverains perdus par les flatteurs, sont nécessairement la généralité des rois ; le monarque vertueux est la rare exception. Les quatre premiers princes hanovriens avaient dû affaiblir beaucoup le respect