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pour la royauté : – trois d’entre eux par leurs vices personnels, et le meilleur d’entre eux par les humiliations et les malheurs de son long règne, malheurs causés par son opiniâtre déni de justice envers l’Irlande et l’Amérique. Il fut enfin forcé de leur reconnaître des droits, mais quand ? Seulement à la suite des défaites et de la capture de ses armées, et quand il vit que la rébellion allait peut-être renverser son trône.

Aujourd’hui il y a plaisir à reconnaître que notre auguste souveraine a toutes les vertus les plus propres à inspirer la vénération pour sa personne ; qu’elle a compris et pratiqué mieux qu’aucun autre roi de sa dynastie, aussi bien qu’il soit possible de les comprendre et de les remplir, tous les devoirs de sa haute dignité ; qu’elle fait avec bonheur tout le bien que la loi lui permet de faire ; qu’elle est souverain constitutionnel accompli. Sachant combien sont restreints ses droits, elle n’en a laissé perdre aucun, elle n’en a convoité aucun autre. L’on sait que rien ne peut excéder l’assiduité avec laquelle elle a, dans les épreuves les plus douloureuses, continué à faire le travail qui incombe à sa charge. Cela est très-grand et très-admiré par tout le monde civilisé. Mais, pour ceux de ses sujets qui sont moins occupés de la vie publique que de la vie de famille, ce premier et plus fort élément de moralisation, bien plus respecté dans les Îles Britanniques que sur le continent, elle est encore plus vénérée peut-être et plus chérie comme épouse et mère que comme reine. Il n’est aucune femme anglaise qui ne dise : Puisse mon époux être pour moi ce que le sien a été pour elle ! Aucun Anglais qui ne doit répéter journellement : Puisse mon épouse être pour moi ce que la reine a été pour son auguste époux ! Point de famille où les enfants ne doivent répéter : Puissent nos princes et leurs sœurs être dignes de leurs augustes parents !

Ah ! s’ils répondent aux soins prodigués pour leur donner l’éducation et l’enseignement les mieux entendus pour les préparer à bien remplir leurs devoirs, quelque situation publique ou privée qu’ils aient à occuper par la suite, ils seront dignes de leurs parents. Ils feront le bien grandement, avec bonheur pour eux et pour nous.

Ce sentiment, répété dans toutes les familles de l’empire, tend à les moraliser toutes.

Lisez donc les volumes très intéressants que Sa Majesté a publiés sur sa vie intime.

Vos sentiments de respect et d’affection pour Sa Majesté seront fortifiés, – sans que cela prouve la supériorité de la constitution anglaise sur celles qui donnent plus de liberté qu’elle au peuple.

Retournons à 1775.

L’aristocratique gouvernement ne peut plus retarder à faire des lois pour ce pays, puisqu’il se dit le seul législateur omnipotent pour les colonies désarmées et soumises, en même temps qu’il est guerroyant avec celles qui résistent. Il établit un système d’impôt contre nous, dans un parlement où nous n’étions pas représentés.

Il viole par là, et la Grande Charte, et la déclaration des droits, et ces principes essentiels du droit public et du droit commun anglais, qui ont établi, par punition des rois et par jugements des tribunaux, qu’il n’y a pas de taxation légale sans représentation.

Il refuse au pays la liberté de nommer des représentants, parce qu’il a trop de fanatisme pour admettre que les catholiques, qui étaient alors plus de quatre-vingts contre un protestant, puissent être mis sur un pied d’égalité avec leurs co-sujets bretons, être comme eux électeurs et éligibles.

Il fallait priver les uns et les autres de ce droit, toujours aussi cher au peuple qu’il est déplaisant et inquiétant pour ceux qui sont législateurs par droit de naissance.

On confia donc le pouvoir législatif à un conseil peu nombreux nommé par la Couronne.

Par grande grâce, les catholiques n’en étaient pas exclus. – En pratique ils le furent, n’y formant jamais qu’une insignifiante minorité.

Étonnante libéralité vraiment, que la terreur de la révolution américaine put seule arracher à nos oppresseurs.

Américains, grand merci ! – Et vous, Ô lords, vous fûtes bien étroits et bien mesquins dans vos largesses.

Mais nos pères ne pensèrent pas ainsi. – Toute la noblesse canadienne et les élèves de nos collèges se groupèrent autour du gouverneur Carleton, déterminés à faire les plus grands efforts avec lui pour la défense du pays, et tout le clergé se décida à faire des sermons de circonstance, pour porter le peuple des campagnes à s’armer dans le même but. – Celui-ci eut le bon sens de dire : « Notre état est de faire pousser du bled et de le vendre bien cher. » Il