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le conseil législatif ; et pour apaiser les colères de l’oligarchie qui voulait le système pour elle et les siens seulement, on saura bien rendre illusoire la folle espérance, aveuglément conçue, qu’une représentation française influente pût être tolérée dans une dépendance anglaise. On fit donc du conseil l’ennemi organisé en permanence du corps représentatif. On appela dans le nouveau conseil ceux des membres de l’ancien qui s’étaient le plus violemment opposés à l’introduction du système représentatif. On en exclut inflexiblement le petit nombre d’entre eux qui en avaient appuyé la demande, sans distinction d’origine. La droite reprenait ainsi ce que la gauche avait hypocritement offert.

Ainsi, ces deux chambres inconciliables ne feront rien du tout, ce sera la balance des pouvoirs, l’équilibre maintenu en sens inverse de ce qu’il est dans la métropole, où toute l’action prépondérante existe en réalité dans la chambre des lords, qui ne laissent élire que leurs fils, leurs dévoués, leurs commensaux et leurs serviteurs, dans ces bourgs si justement nommés pourris, patrimoines de leurs familles dans le passé et dans l’avenir. Leur altière domination vient heureusement d’y être affaiblie par le dernier acte de réforme parlementaire.

Tout ce qui avait favorisé la demande du système représentatif fut donc éliminé du nouveau conseil ; tout ce qui s’y était fougueusement opposé y fut recueilli, à deux ou trois exceptions près.

On préparait donc sciemment, ou plutôt on organisait artistement, l’animosité entre ces deux corps. Elle ne s’est pas ralentie un instant tant qu’ils ont été en présence.

L’histoire de ce que fut ce régime de gouvernement a été tracée à grands traits par lord Durham. Il est loin de rendre justice à la libéralité des représentants, mais il fait justice de l’arrogance et de l’illibéralité des conseils et des pactes de famille dans l’une des provinces, et des conseils et de l’oligarchie dans l’autre.

Au milieu des difficultés d’une situation si volontairement et studieusement faite mauvaise et arbitraire, ce n’est pas un mince mérite à la chambre d’assemblée d’avoir, la première, dans toute l’étendue de l’empire, établi le principe de la tolérance religieuse absolue, d’avoir détruit les disqualifications résultant d’une législation surannée contre les Israélites, et à un moindre degré contre toutes les églises dissidentes, en permettant aux ministres de celles-ci et aux synagogues de tenir des registres de l’état civil, pour les membres de leurs congrégations. Nous sûmes faire cela longtemps avant que le parlement impérial songeât à en faire autant. Nous l’imposâmes au conseil, longtemps récalcitrant.

Mais la lutte acharnée fut toujours celle du droit de l’assemblée seule d’asseoir et de répartir l’impôt. Là encore, l’intervention du parlement impérial fut pernicieuse, inconstitutionnelle, contraire aux droits les mieux établis des sujets anglais, tant dans la métropole que dans ses colonies. Toutes celles qui avaient eu des représentants avaient disposé de leur revenu entier, par les votes de leurs chambres électives. Le même droit était refusé aux seuls Canadas. Le mouvement insurrectionnel, légitime en principe, imprudent en pratique puisqu’il a succombé, n’a pas été conseillé par les hommes les plus influents du parlement : au contraire. Mais ceux qui voulaient détruire les hommes publics du Bas-Canada ; qui voulaient l’union des deux provinces ; qui désiraient voir l’exécutif maître et régulateur du revenu et de la législation, y poussaient sous main. Ils réussirent à la précipiter, pour en percevoir les profits. Eux aussi se trompèrent, et le parlement qui les appuya se trompa. Il lui en coûta plus qu’il n’aurait voulu donner, et en concessions de libertés longtemps refusées, et en trésor, au profit – dans les deux Canadas – des minorités, qui eurent son appui mais non son estime. Ce qui fut patent dans le mouvement de l’époque est assez connu, ce qui en fut secret le sera plus tard. Tant aux États-Unis que dans les provinces, des citoyens éminents, patriotes éprouvés et sincères, ont les preuves et les moyens de faire mieux connaître les hommes et les événements historiques de cette époque qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Le second régime soldatesque se créa lui-même. Il proclama, sans droit de le faire, la loi martiale et la fit fonctionner plus sanguinairement, en quelques semaines, que le Comité de Salut Public ne l’avait fait en France.

À l’époque où celui-ci se livra à de détestables assassinats, les rois de toute l’Europe coalisée s’avançaient pour démembrer la République. Ce terrible comité dut improviser et lancer quatorze armées, et organiser ainsi la victoire. Jamais les mots :