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taires et applicables à leurs pays.

Un changement d’opinion, quand il est désintéressé, peut être sincère et louable. Mais quand il est rémunéré au lendemain d’une défection, il est suspect toujours, trahison souvent.

Quand votre opinion vous exposait à la persécution, vous excluait des chances de parvenir, il n’y avait pas à douter qu’elle ne fût sincère et très-honorable.

Vous étiez grands.

Les majorités allaient au-devant de vous, et vous élisaient, et vous réélisaient, sans qu’il en coûtât rien, ni à vous ni à vos amis.

Mais depuis que le patronage et l’or ont été des moyens indispensables pour vous faire élire, vous n’avez plus de titre à la confiance.

La législation ne pourra jamais faire autant de bien à la société, que la corruption lui a fait de mal.

Vous restez un gouvernement fort sur les bancs des parlements, mais hors de leur enceinte vous restez sans aucune autorité morale sur les masses.

La population se trouve tellement divisée et sous-divisée, qu’elle se sent énervée, qu’elle reste sourde aux conseils, indifférente au sort d’hommes publics qui ont flotté entre tant de diverses opinions.

Si un temps de danger se présente, où le concours de tous serait indispensable pour le surmonter, ce concours ne se trouvera pas.

Ceux qui ont le plus crié : l’Union nous a sauvés, sont, dès qu’ils se trouvent engagés dans quelque embarras personnel, les premiers à se sauver hors de l’Union.

Ils ont été demander une neuvième combinaison politique, à la même autorité dont ils ont blâmé les huit combinaisons politiques antérieures.

Ils n’avaient pas mission de la demander.

Ils étaient élus pour conserver la huitième combinaison, pour faire des lois ne dépassant pas les limites de l’autorité qu’elle leur conférait.

Ils n’étaient pas un corps constituant.

S’il y avait eu quelque patriotisme chez eux, et qu’ils eussent cru les changements qu’ils ont obtenus utiles à leurs commettants, les plus intéressés dans la solution des questions qui doivent régler leur état social, ils se seraient fiés à la décision des intéressés.

Ils n’avaient pas les moyens de soumettre leurs projets à la décision des intéressés, diront-ils.

Soit ; ils ne pouvaient pas les réunir en convention ; encore moins le voulaient-ils. Ils étaient trop certains que leur plan serait rejeté dans trois au moins des provinces aujourd’hui confédérées !

Ils devaient au plus préparer leurs résolutions et demander au parlement d’autoriser l’assemblée de conventions provinciales pour décider si elles seraient adoptées ou rejetées. Ils auraient été des mandataires fidèles, au lieu d’être des usurpateurs.

Or s’ils redoutent le mot de CONVENTION parce qu’il est trop américain, – comme s’il était sensé de repousser une proposition éminemment raisonnable parce que les Américains l’ont consacrée par une heureuse expérience de plus de quatre-vingt ans, – ils devaient au moins dire : « Nous qui ne pouvons altérer l’acte en vertu duquel nous siégeons, nous qui ne pouvons fouler aux pieds les conditions d’après lesquelles nous avons été élus, nous annonçons pour une autre année des élections générales, qui auront pour objet de donner au peuple l’occasion de se prononcer sur le mérite ou le démérite du travail que nous avons préparé pour lui et dans son intérêt et non pour nous et dans nos intérêts. »

Au lieu de cela, aller directement en Angleterre, c’est dire : Nous reconnaissons votre pleine puissance ; nous nous en sommes toujours plaints, et nous y avons toujours recours.

C’est aussi lui dire : Vous êtes aussi inconséquents que nous, puisque vous êtes toujours prêts à saisir l’occasion de faire naître des causes de plaintes et de justes mécontentements dans vos colonies. Pourquoi vous immiscez-vous à y régler des difficultés dont vous ne pouvez pas être les meilleurs juges ? pourquoi légiférer pour des pays dont vous ne pouvez apprécier les désirs, les besoins, les ressources, aussi bien que le feraient ceux qui y sont nés, aussi bien que le feraient ceux qui sont allés s’y établir depuis de longues années ?

Au moins attendez que leurs requêtes vous saisissent de la cause. Vous en aurez de toutes les provinces et de tous les partis, entendus contradictoirement. Vous les aurez après que les discussions dans la presse vous auront permis d’apprécier la valeur des raisons qui seront données par les amis et par les adversaires du projet. Tant que vos