Page:Papineau - Discours devant l'Institut canadien à l'occasion du 23e anniversaire de fondation de cette société, 1867.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 16 —

délibérations dureront, les intéressés attendront sans trop d’impatience.

Pourquoi, durant ce délibéré, ne chercheriez-vous pas quelque nouveau moyen de solution des difficultés qui naissent dans vos colonies ? Les anciens moyens vous ont rarement réussi. Ils vous ont souvent coûté du sang et des trésors. Vous avez donné des décisions erronées que vous avez été forcés de rescinder, pour ne pas affaiblir les principes de votre propre gouvernement. Vous consolez-vous en disant : nous avons infligé plus de mal que nous n’en avons reçu ?

Qui doute de votre force ? Combien il serait plus beau que l’on comptât sur votre justice ! Les Américains semblent avoir employé le moyen le plus propre à prévenir les plaintes et les soulèvements des peuples contre les gouvernants, en laissant aux majorités à décider, par la voie du scrutin, du choix des institutions qui leur conviennent le mieux. La très-grande-majorité des publicistes et des hommes d’État de toute l’Europe et du Royaume-Uni en particulier admettent que ce moyen convient parfaitement bien aux États-Unis. En quoi donc l’état social des colonies est-il si différent de celui de leurs proches voisins, pour présumer que la même organisation politique ne leur conviendrait point ?

Peut-on en préparer une meilleure ? Cherchez, trouvez, révélez-la et soumettez-la à l’examen des hommes éclairés ; de ceux qui ont le droit de décider des questions de cette importance par la supériorité reconnue du génie et du savoir, et non par le seul accident de la naissance.

Il est des hommes de génie et de savoir en grand nombre dans un corps aussi nombreux que celui de la pairie du Royaume-Uni, dont l’éducation spéciale est la science du gouvernement. Qu’ils donnent une preuve qu’ils sont mieux qualifiés à gouverner les hommes que ne le sont ceux qui ont donné des constitutions admirablement bonnes au gouvernement général de l’Union et à ceux des trente-six États de la confédération américaine ! Ce n’est pas l’acceptation précipité de l’acte de confédération bâclé à Québec qui peut prouver la sagesse des hommes d’État de l’Angleterre. Il n’est pas leur œuvre ; il a été préparé dans l’ombre, sans autorisation de leurs constituants, par quelques colonistes anxieux de se cramponner au pouvoir qui leur échappait. Le sinistre projet appartient à des hommes mal famés et personnellement intéressés, l’accomplissement du mal au parlement britannique, surpris, trompé, et inattentif à ce qu’il fait.

À première vue, l’acte de confédération ne peut avoir l’approbation de ceux qui croient à la sagesse et à la justice du parlement, à l’excellence de la constitution anglaise, puisqu’il en viole les principes fondamentaux, en appropriant les deniers appartenant aux colons seuls et non à la métropole ni à aucune autorité dans la métropole. Il est plus coupable qu’aucun autre acte antérieur. Il a les mêmes défauts, et il en a de nouveaux, qui lui sont propres, et qui sont plus exorbitants contre les colons que ne l’ont été ceux des chartes parlementaires ci-devant octroyées, ou imposées. Les autres ont été donnés dans des temps et des conditions difficiles et exceptionnels. La cession d’un pays nouveau, avec une majorité dont les croyances religieuses et l’éducation politique différaient profondément de celles de la minorité, pouvait laisser craindre que celle-ci ne fût exposée à des dénis de justice. La pleine et entière tolérance religieuse, le premier et le plus important des droits qui appartiennent aux hommes en société, n’avait pas été comprise ni admise à cette époque. L’Angleterre était persécutrice chez elle, folle et injuste ; elle fut folle et injuste ici, ici plus qu’ailleurs, car le droit public devait nous éviter ce mal. Elle l’ignora. Si elle s’était restreinte à des mesures protectrices pour les minorités, elle était à louer ; si elle a dépassé le but, si elle a opprimé la majorité, elle a fait le mal. Mais c’était alors l’erreur commune qui l’égarait et qui l’excuse. Les lois odieuses de l’intolérance sont aujourd’hui répudiées par tout le monde civilisé, hors Rome et St. Petersbourg. Là aussi pourtant, il faudra tôt au tard finir pas se rendre à la force du droit à la vue des bienfaits qu’il déverse sur les États qui le respectent.

La concision du mot de Cavour : L’Église libre dans l’État libre, est un des plus beaux titres au respect, à l’amour et à l’admiration, justement acquis à ce très grand homme d’État. Ces mots heureux, qui une fois énoncés ne peuvent jamais être oubliés, qui, en une courte sentence, contiennent tout un code complet et parfait sur le sujet qu’ils exposent et qu’ils expliquent, font – comme si les langues de feu du Cénacle avaient touché tous ceux qui les retiennent – en un instant connaître, ai-