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fortifié par des liaisons de famille, par l’intérêt commun à tous ceux qui ont ou qui sollicitent des emplois, le parti officiel dans le Bas-Canada forme un corps compact, permanent, affranchi de toute responsabilité, inaltérable, exerçant sur le gouvernement en entier une autorité absolument indépendante du peuple et de ses représentants, et seul ayant les moyens d’exercer une influence sur les décisions du gouvernement en Angleterre et du représentant de la couronne dans la colonie. L’opposition de l’assemblée était le résultat inévitable d’un tel système. Quand tous les autres moyens lui ont manqué de pouvoir influencer les choix ou les mesures du gouvernement colonial, elle a eu recours à cette ULTIMA RATIO du pouvoir représentatif à laquelle les retraites prudentes de la couronne n’ont pas réduit les communes en Angleterre, et pour détraquer la machine d’un tel gouvernement, elle a refusé les subsides.

« Le conseil législatif (la seconde chambre de la législature est ainsi nommée) était composé de manière à n’avoir aucune autorité morale auprès du peuple ou de ses représentants, à qui l’on avait prétendu l’opposer comme contrepoids. Sa majorité fut toujours composée de ceux qui conduisaient le département exécutif, et n’était dans le fait qu’une sorte de veto entre les mains des fonctionnaires publics.

« Il est littéralement vrai de dire qu’il n’y a pas dans la province de pouvoir qui dirige les mesures du pouvoir exécutif. Le gouverneur, dit-on, représente le souverain ; mais en réalité, il n’est qu’un employé subordonné, recevant des injonctions d’un secrétaire d’État et responsable vis-à-vis de lui seulement.

« La tendance a été de référer toutes les questions au bureau colonial, où l’on ne pouvait pas avoir les lumières nécessaires pour les bien décider. La colonie, dans tous les moments de crise, dans tous les détails d’administration, a donc éprouvé l’embarras d’avoir ainsi son autorité exécutive fonctionnant, non chez elle, mais de ce côté de l’océan. Les fréquents changements de ministère qui ont eu lieu chez nous, quoi qu’ils n’eussent aucune liaison avec les intérêts coloniaux, n’en ont pas moins déplacé les ministres des colonies si rapidement qu’aucun d’eux n’a eu le temps d’acqué-