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LE ROMAN DES QUATRE

serie Frontenac et n’était pas très élevé. Sur le ballon même, il y avait quelque chose d’écrit. Il a d’abord cru que c’était une annonce ; mais après plus ample examen et comme l’aérostat primitif se rapprochait, il avait pu lire les deux mots : « Germain Lafond ».


Depuis ce moment, plus de vingt personnes avaient téléphoné au journal déclarant avoir vu le fameux ballon. Interrogées à leur tour, certaines de ces personnes avaient déclaré avoir pu distinguer quelques unes de ces lettres écrites, presque toutes avaient distingué le G. et le L. dont les dimensions étaient plus grandes.


Était-on en face d’un nouveau développement de l’affaire Lafond ? Le journal ne semblait pas en douter et offrait une très généreuse récompense à celui qui apporterait les restes de cet aérostat de fortune.


Malgré l’appât de la récompense et les recherches acharnées de reporters tant canadiens qu’américains, ce n’est que trois jours plus tard qu’il fut retrouvé. C’est un cultivateur de Longueuil qui l’apporta aux bureaux du journal et ce jour là, le « Monde » eut deux extras.


Le ballon était monté sur une carcasse de cette broche dont se servent les « presseurs » pour lier les balles de foin, son enveloppe consistait en une multitude de serviettes de table « papier soie » collées l’un à l’autre, les mots « Germain Lafond » avaient été écrits sur l’enveloppe au moyen d’un charbon et enfin la torche consistait en un paquet d’étoupe imbibée de pétrole.


Mais à peine le premier extra était-il mis en circulation que les reporters et le photographe envoyés pour prendre la photo de l’endroit où avait été retrouvé le ballon mystérieux revenaient porteur d’une nouvelle sensationnelle. Près de l’endroit où avait atterri l’aérostat, ils avaient découvert un carton attaché à une cordelette de deux verges de long. En examinant le carton ils constatèrent qu’il était double et qu’au centre se trouvait une lettre et en première page du second extra du « Monde » on pouvait lire, en caractères de deux pouces de hauteur :


LE VENT APPORTE L’APPEL SUPRÊME DE GERMAIN LAFOND. — LE MESSAGE ATTACHÉ AU « BALLON MYSTÉRIEUX ».


Et dans le centre de la première page, en caractères gras, la lettre suivante :

« Ce papier est précieux !… Qui que vous soyez, vous qui le trouverez, allez voir le chef de police de Montréal, remettez-lui cette lettre et vous obtiendrez une généreuse récompense aussitôt que je serai en liberté.

On ne m’accorde plus que dix jours pour révéler le secret de la mine que j’ai découverte. Après ce délai, si je persiste en mon refus, ce sera la mort… et quelle mort !… Je suis séquestré en un grenier assez élevé, car j’ai compté trente-neuf marches quand on m’y a conduit. Ma porte est continuellement verrouillée. Mon réduit n’est éclairé que par une petite fenêtre grillée par laquelle je puis apercevoir, dépassant les toits des maisons voisines, le sommet du dôme et la cheminée de la Brasserie Frontenac. Quant à la distance, elle doit varier de quinze à vingt arpents. Hâtez-vous de me délivrer, je suis immensément riche et l’on n’aura pas affaire à un ingrat.

Germain Lafond. »

Et le journal continuait :

« Comme le « Monde » a été le seul quotidien à l’affirmer, Germain Lafond est vivant ! Nous en avons maintenant la preuve certaine. Mademoiselle Jeannette Chevrier nous a communiqué divers spécimens de l’écriture du jeune ingénieur et le Docteur Delorme, expert officiel en écriture, affirme sans hésitation que la lettre que nous reproduisons est bien de Lafond.

Notre confrère de la rue Sainte-Catherine nous demandait des faits, en voici, des faits d’une évidence probante et que, même avec la plus mauvaise volonté, on ne pourrait mettre en doute ! Resterons-nous stoïques devant l’appel désespéré de ce pauvre malheureux ? La direction du journal porte à mille piastres la récompense offerte à celui qui nous fournirait une indication aboutissant à la délivrance de Lafond.

En outre, le « Monde » lance ses meilleures limiers dans l’entreprise. Que tous nos lecteurs nous donnent la main, comme dans l’affaire du « ballon mystérieux », la plus légère information sera peut-être le fil con-