Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/117

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une cohue bigarrée d’êtres de toutes sortes unis par une solidarité défiante. Les personnalités disparaissent. Il n’y a plus que cet être dangereux qui s’appelle la Foule, quand la colère l’anime. Elle n’a pas de cœur, partant aucune sensibilité. Elle ne pense pas ; elle n’a qu’un cerveau collectif atrophié où règne à l’état d’obsession un projet insensé, néfaste, criminel. C’est la Foule hideuse qui se meut et s’agite avant d’en arriver à l’irréparable.

Des imprécations, des menaces, des jurons retentissent.

— Les patrons arrivent pas.

— Y ont peur.

— C’est des lâches.

— À bas Faubert.

— À bas les exploiteurs.

— Les v’lont, crie quelqu’un.

Vêtu d’un costume de chasse, culottes bouffantes, bottines lacées qui emprisonnent le mollet, chemise négligée de grosse toile couleur kaki, le financier s’avance vers le groupe, ferme, décidé. Sa figure est toujours aussi calme. On la dirait figée dans l’impassibilité.

Luc David va à sa rencontre.

— Vous savez pourquoi on vous a invité.

— Oui. Vous voulez que j’augmente vos gages.

— On veut une augmentation de la moitié.

— De la moitié. Devenez-vous fous ?

— Pesez vos paroles.

— C’est ça, laisse toi pas faire, clame une voix.