Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/15

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L’auto file maintenant dans le bois du Sault près Cartierville. Les arbres qui bordent le chemin huileux dégagent en ce soir des senteurs de verdure. L’obscurité est épandue sur la campagne. La lumière des phares en la trouant fait voir des bosses sur la route.

Devant une hôtellerie à la mode sur le bord de la rivière et dont ils perçoivent le bruit et l’animation, la voiture arrête ; les deux hommes sautent en bas et vont prendre place sur la vérandah. Des couples en toilettes claires dansent ou sont attablés. Le jazz joue un air idiot de musique américaine qui crispe les nerfs. Le choc des verres, le bruit des rires, le murmure confus des voix de tous les timbres y font un accompagnement.

Tout à coup, Faubert qui parcourt la scène du regard a un mouvement brusque de stupéfaction. Il respire fortement comme si l’air lui manquait.

C’est que là-bas, à l’autre extrémité, il vient d’apercevoir quelqu’un qu’il n’aime pas voir. Et ce quelqu’un, c’est une femme ; c’est Pauline Dubois. Oui, Pauline Dubois elle-même avec son frère et une amie.

Il n’ose d’abord en croire ses yeux. Est-ce bien elle ? Pourtant, il n’y a pas à s’y méprendre. C’est bien son front qu’encadrent des cheveux blonds roux comme des feuilles d’automne ; ce sont bien ses yeux noirs qui contrastent avec l’or éteint des cils fournis et longs ; c’est bien son nez légèrement retroussé, mais si légèrement que c’en est un charme ; ses lèvres minces qui relèvent moqueu-