Aller au contenu

Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui le grise encore… la triste conviction qu’elle est troublante et jolie à faire tourner les têtes comme un alcool… du regret de l’avoir perdue… une blessure ancienne qui se rouvre… et tout à coup, de penser qu’un autre que lui qui aurait pu l’avoir la possédera… toute ! Ces impressions s’entremêlent, tourbillonnent. Et puis, dominante, une voix intérieure qui crie, exaspérée : Le dédain !… Non, pas même cela : L’indifférence.

La main nerveuse serre le dossier de la chaise, seule manifestation extérieure de son trouble…

Et pendant que ses lèvres s’arrondissent en sourire pour le conventionnel : « Très heureux, mademoiselle ». — la jeune fille pâlit, sent ses jambes se dérober et est obligée de s’appuyer à la table.

— Pauline, qu’avez-vous ?

— Oh rien ! fit-elle en se remettant. La chaleur peut-être… monsieur Faubert, il me semble vous avoir rencontré, je ne pourrais dire où.

Toujours impassible et souriant, il répond :

— Je vous demande pardon, je crois que vous faites erreur. Depuis quelques années, je ne sors pas, sinon pour affaires…

— Alors c’est avant cela que je vous ai rencontré. Vous ne vivez en reclus que depuis trois ans ?

— À peu près.

Maintenant elle est remise. Par une intuition toute féminine, elle comprend que cette indifférence est voulue : qu’elle n’est pas aussi vraie qu’elle en a l’air ; que s’il se montre froid, c’est pour la