Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

blesser ; que s’il veut la blesser, c’est qu’il reste quelque chose de l’amour ancien.

D’un ton posé, elle questionne :

— Vous êtes en deuil depuis ce temps ?

— Oui.

— Ce doit être d’une personne bien chère, pour avoir eu tant d’effet sur votre vie.

Croyant avoir frappé juste, elle le regarde droit dans les yeux.

C’est une joute entre eux.

Elle en goûte l’âpreté, peut-être aussi une certaine saveur amère. Elle voudrait en fouillant le passé y remuer un peu d’émotion.

Mais lui, toujours impassible, avec un ton d’indolence qui confine au j’m’enfoutisme :

— Rassurez-vous, ce n’est pas grand’chose que j’ai perdu, seulement quelques illusions. Et j’en suis bien aise. Je me suis ouvert les yeux, et j’ai vu qu’autour de moi, dans le monde, surtout celui qu’on écrit avec un grand M, tout n’est qu’hypocrisie et mensonge. Et je l’ai fui…

— Tu n’es pas tendre pour la société, fait remarquer Roberge.

— Ce n’est pas tant la société que je déteste qu’une partie : l’élément femme.

— Pourtant il y en a bien qui valent un peu d’attention, qui ne sont pas qu’hypocrisie et mensonge. N’est-ce pas Pauline ?

Elle rougit et ne répond rien.

Lui s’incline, et galamment :