Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/36

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plus désordonnées des journaux américains faisaient augmenter le prix du papier dans des proportions énormes et partant le prix de l’épinette et du cyprès qui en sont la matière première.

Faubert parcourt les contrats qu’il a fait signer cet été : 50,000 cordes à fournir à la American Paper Limited ; 30,000 à la Federated News. Tout cela à bonnes conditions.

Les lettres dactylographiées qui composent chaque mot des copies de contrats s’atténuent et disparaissent. À leur place, nombreux, il aperçoit des signes de dollars et qui semblent avoir une vie.

Déjà de ses agents sont en route. L’un parcourt la Matapédia s’assurant par avance la production des colons pour l’hiver qui vient ; un autre la Nouvelle-Écosse ; un le Lac Saint Jean ; un l’Abitibi. Les nouvelles qu’il en a chaque semaine sont favorables. Il se procurera aisément les 80,000 cordes dont il a besoin, chiffre énorme au premier abord. Systématiquement divisé, il peut être augmenté à l’infini tant qu’il y aura du bois dans le Québec et des hommes pour le bûcher.

Enfoncé dans sa chaise à bascule, les yeux mi-clos, comme repliés sur lui-même, il laisse son rêve se perdre dans la fumée bleutée de son cigare. Il rêve la puissance, une puissance illimitée aussi grande que son orgueil. Non fier, non vain, mais orgueilleux. C’est sa dominante. Il appartient à cette catégorie d’hommes jadis conqué-