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Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/37

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rants de pays, aujourd’hui conquérants de la fortune et du pouvoir qui en découle.

Il veut, et depuis longtemps, depuis toujours, être quelqu’un.

Être quelqu’un c’est sortir de la foule anonyme, la dominer. Être quelqu’un cela signifie qu’on est un personnage dans le pays et dans la ville, qu’on a accompli quelque chose de supérieur aux autres. Être quelqu’un cela veut dire qu’on a édifié une œuvre, œuvre politique, œuvre financière, œuvre intellectuelle, peu importe ! Pourvu que ce soit son œuvre. Être quelqu’un c’est associer son nom à quelque chose de grand, de noble, de fort.

C’est avec frénésie, passionnément, mettant dans chacune de ses entreprises la fougue d’un tempérament ardent, soutenu par des nerfs d’acier et un physique imbrisable qu’il travaillait à réaliser cette formule.

Le succès lui sourit. Il commence d’être quelqu’un. Pas assez. Il n’a pas encore imposé sa personnalité… suffisamment.

Jeune — trente-deux ans — en pleine force, force qu’il entretient par des exercices corporels violents, mûri par l’expérience, il regarde la vie avec un sourire et l’avenir comme un maître.

Cette soif de domination, de puissance, qui le brûle, il essaye parfois de l’étancher. Il éprouve une griserie véritable à compiler des chiffres, à combiner des plans, à manœuvrer des hommes. Il goûte à vivre sa vie fiévreuse une intensité d’émotion, qui, à certaines heures, le secoue tout entier.