Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/65

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de tabac fort pour s’engourdir le cerveau. Chez-lui pendant que dans la cheminée flambent les bûches de merisier il est en proie à l’ennui morne de la solitude.

Incapable de lire, il arpente sans répit la pièce… Parce qu’il a vu tantôt un profil de femme, son voyage au lieu du repos et d’un redoublement d’énergie qu’il y espère ne lui apportera qu’une lassitude déprimante. Et c’est bien vrai qu’il est las !

L’horloge sonne onze heures. Il devrait être au lit depuis une heure.

À quoi bon puisque le sommeil va le fuir.

Il n’a plus pour l’occuper, le distraire, des affaires énormes à administrer. En partant il a juré de n’y pas penser pendant deux semaines pour revenir à Montréal avec un cerveau renouvelé. Cette inaction forcée en le laissant à lui-même l’a amolli un peu. Et l’ennemi, la femme d’autrefois est là, tout près, à deux arpents à peine. Demain il la reverra… et après demain… et les jours suivants… Et chaque fois dans la lutte il s’épuisera un peu plus. Céder ?… mais son orgueil le voudra-t-il ?

Renouer les relations ? Avec elle ? Elle, la jeune fille légère, proie du premier venu…

Devant ses yeux la scène de la rupture finale, apparaît ; un homme l’embrasse qui n’est pas lui.

— Allons Faubert de l’énergie !

— Après tout, durant ces deux semaines, pourquoi pas s’accorder des plaisirs moins âpres que