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Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/89

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Elle le revoit, la tête haute, les narines dilatées, aspirant l’air de la nuit avec volupté. Il était debout, les jambes un peu arquées, tout son être tendu.

— Pauline, avait-il dit… et il se tut comme sous l’emprise d’une émotion unique.

Elle comprit et répondit dans un souffle, son cœur battant à briser son corsage :

— Jules… Vivre ici… tout le temps… avec vous.

— Pauline, avait-il repris, je vous…

Il n’acheva pas.

Ce soir-là, malgré lui-même, il fut sincère.

Pourquoi donc la méprise-t-il maintenant ? Il y a du mépris dans sa façon d’agir, du mépris qui la fait souffrir plus que la haine.

Renoncer !

Surtout, à présent, qu’elle a connu pendant des jours, l’ivresse de sa présence.

Elle se perd en conjectures, et elle se débat dans des incertitudes et elle souffre jusqu’à crier sa souffrance aux murs de la chambre.

Tout plutôt que ce mépris, ce mépris qui la fait mourir, un peu plus chaque jour.

Parfois, dans les bonnes journées, elle a la conviction qu’il l’aime bien profondément, qu’en lui, s’opère, un travail fécond pour miner les barrières de son orgueil. Ces jours-là, elle est radieuse comme une fleur que baise le soleil de son baiser de flamme.

Ce bonheur est de courte durée. Aussitôt les faits, avec leur éloquence terrible, se dressent devant-elle.