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LA VIE CANADIENNE

LITTÉRATURE ET LITTÉRATEURS

(SUPPLEMENT AU « ROMAN CANADIEN ») Numéro 45 Juin 1930

LA CRITIQUE DES LIVRES

L’ACADIE FRANÇAISE (’)

Par Benjamin Suite

Gérard Malchelosse vient de publier une deuxième édition du volume 16 des Mélanges historiques de Benjamin Suite. Seize volumes ! La collection s’annonce considérable, et qui la possédera en entier pourra se vanter de posséder une bibliothèque d’ouvrages historiques comme il ne s’en trouve pas tous les jours. Il suffira à ce sage d ajouter çà cette collection précieuse les Relations des Jésuites, les oeuvres de Garneau, de Richard, de Ferland, de Lauvrière pour être muni de ses armes, prêt à n’importe quels travaux d’histoire canadienne.

Les Mélanges historiques de Benjamin Suite sont indispensables. Et comme l’éditeur prépare chaque volume avec un soin évident de ne laisser rien passer d’erroné ou d’incomplet, on peut dire avec confiance : la vérité est là tout entière. Malchelosse est le Boswell de cet autre Samuel Johnson qu’était par certains côtés Benjamin Suite, et c’est admirable en ce temps où le culte des bons esprits se fait si rare. . . Ce volume 16 des Mélanges historiques traite donc de l’Acadie française. Il est fait d’articles et de conférences écrites ou données au cours de la longue carrière d’homme de lettres et de conférencier que fut celle de Benjamin Suite. Ce n’est pas une étude approfondie, originale, comme on peut le croire. Ce n’est pas en une centaine de pages qu’on peut passer en revue une histoire de l’importance de celle-là, surtout après les travaux connus de Rameau, de Richard, de Casgrain et de Lauvrière. Avec sa vivacité coutumière, sa belle humeur combative, son sens aigu de l’histoire, Suite a profité de la publication d’un ouvrage de Rameau, Une colonie française en Amérique, pour traiter sommairement de l’histoire de l’Acadie en des pages primesautières, pittoresques et pleines d’entrain. Et s’il est vrai, comme le dit Fernand Venderem, que les meilleures critiques sont encore celles des créateurs eux-mêmes — que ce soient pour leurs propres travaux aussi bien que pour ceux des autres. — Benjamin Suite a écrit ici, toutes rapides soient-elles, des études dont la lecture est un vin, fort mais généreux, qui fait du bien. Oui, vraiment, si tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux, le genre Suite est excellent. Quel patriotisme dans ce parallèle nerveux, entraînant et plein de bon sens, entre l’histoire du Canada et de l’Acadie sous le régime français et celle des colonies américaines d’alors : la Nouvelle-Angleterre ! Je défie n’importe qui de ne pas se passionner à la lecture de ces pages où passent avec une rapidité prodigieuse tous le héroïsmes, toute la gloire de l’Acadie française, etc., hélas ! toute sa misère. Et pas un lecteur qui lira cela ne l’oubliera jamais, même s’il ne devait jamais lire Rameau, Richard, Casgrain et Lauvrière, le plus récent, celui-ci, des historiens qui se sont consacrés à l’histoire de l’Acadie. Suite était un passionné. C’est une qualité dangereuse en histoire. Je le lui ai reproché 1. En vente aux Editions Edouard Garand, prix 75 sous.