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Page:Paré - Lettres et opuscules, 1899.djvu/142

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lettres

trois heures. Nous nous y allons parce que les anglais nous ont appris à y aller.

Est-il besoin de vous décrire un concert, un grand concert classique.

Il y a d’abord un violoniste toujours célèbre et ordinairement chevelu.

Il s’avance sur la scène : tonnerre d’applaudissements.

Il salue : tonnerre d’applaudissements.

Il pince son violon qui jette de petits cris de souris qu’un chat vient de happer : religieux silence dans toute la salle.

Il commence enfin. On entend presque rien puis comme un sifflement doux prolongé, et tout à coup le violon jette des cris de paon, pleure, rie, fait le diable. Le violoniste aussi est transformé ; il se tenait d’abord assez bien, mais maintenant le voilà qui secoue sa chevelure, se balance comme un peuplier et prend des poses fantastiques et ahurissantes. La première fois que j’ai vu un de ces hommes célèbres j’ai cru qu’il se trouvait mal et j’ai regardé mes voisins pour voir ce qu’ils en pensaient : ils étaient en extase.