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cailloux du portage ; la tête courbée sur la rame ou écrasée sous le paqueton, ils ne remarquent dans la nature que ce qui peut les faire souffrir. Pour eux cent milles d’eau paisible ne représentent que trois jours de galère, et une roche en travers du portage se transforme en montagne. En voilà assez pour qu’un pays soit condamné à tout jamais.

Dans les prairies du Nord-Ouest, les voyages sont faciles mais ennuyants : on trouve la prairie bien plate mais grande.

Dans la forêt on ne voyage guère autrement que par les lacs et les rivières : Haro ! donc sur les rapides et les portages. Si, quelquefois on s’ouvre un chemin à travers le bois, l’horizon, naturellement borné par les arbres, empêche de juger des distances ; monte-t-on sur une colline ? — ce qui frappe aussitôt le regard, c’est la plus prochaine élévation.

D’ailleurs, c’est une illusion commune à tous de juger montagneux un sol recouvert de forêts, à cause, peut-être, de l’habitude où nous sommes dans nos contrées civilisées de ne voir de bois que sur les montagnes, ou autres endroits impropres à la culture. Mais c’est aussi une matière d’expérience qu’avec le défrichement les aspérités du terrain semblent si fondre, s’égaliser sous le soc de la charrue, et là où on s’attendait à voir une montagne, “nascetur ridiculus mus.”

Aussi n’hésité-je pas à croire qu’au jour où auront disparu nos immenses forêts, nos petits neveux resteront stupéfaits de se trouver sur une plaine continue avec leurs frères du Manitoba, plus cette différence en notre faveur que nous avons l’eau limpide et le bois en abondance.

§II. — Nature du Sol

Voilà pour la configuration du terrain. Un argument non moins convaincant à mon avis, peut se tirer de la nature même du sol.

Ceux qui ont vu Manitoba et