Aller au contenu

Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
LE CONTEUR.

précédent siècle, ni surtout qui exaltât davantage la personnalité jusqu’à une douce folie.

Celui qui fut le numéro 34 du château d’If nourrit des sentiments qui couvent pendant de longues années et éclatent au paroxysme. Ses haines se reportent de père en fils, et sont furieuses, comme ses amitiés. On notera que, s’il sauve Morrel avec une adresse ingénieuse et dramatique, les joies ne font dans l’ouvrage que des éclaircies. La haine tient la plus grande place. En fait de justice distributive, Monte-Cristo distribue surtout la vengeance. Cela n’est pas à l’honneur de l’argent. Villefort, qui a conclu un riche mariage, est un scélérat qui finit par être un assassin. Fernand, qui s’est sournoisement emparé de Mercedes, et Danglars, « le serpent au front aplati, le vautour au crâne bombé et la buse au bec tranchant » — ne voilà-t-il pas une haine vigoureuse ? — ont acquis des fortunes imposantes autant que scandaleuses. Car nous sommes encore au temps où les fortunes malpropres scandalisent, — le lecteur des faubourgs, au moins. Fort de ses soixante millions, où il croit voir tout l’or que la terre a produit pour la puissance des gens, Monte-Cristo va, vient, domine ces misérables, tend ses pièges, ourdit ses trames, avec lenteur et coquetterie, et pendant que les poisons, la folie, la paralysie répandent partout l’image de la mort, semble un tacticien manœuvrant ses haines sur un échiquier. Il s’y complaît, il s’y attarde ; je n’affirmerais pas qu’il ne s’y égare au cours du quatrième volume. Un Alceste eût rougi de ces combinaisons féroces, qui sont d’une âme médiocre et d’une