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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/31

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L’HOMME ET SON TEMPS.

pour se soutenir en cet enthousiasme, deux comédiens français, Frederick Lemaître et Mme Dorval, qui parurent ensemble dans Trente Ans ou la vie d’un Joueur, par Ducange et Goubaux, — mélodrame bien construit, d’un intérêt poignant et violent, et dont le dénouement est calqué sur celui du Vingt-Quatre février de Werner. Plus tard il se hausse au mode lyrique pour célébrer cette inoubliable soirée : « Le drame populaire avait son Talma ; la tragédie populaire avait sa Mademoiselle Mars… » — Il ne lui manquait plus que son Alexandre Dumas.

Il traduira plus tard Werner. En attendant, pour suivre le train de son époque, il s’engoue de Byron, dont le hautain sarcasme lui impose plus que le génie ne le touche. Le moyen de s’abîmer dans le pessimisme, quand on abat cent à la Tête de turc et qu’on éprouve toute la joie de vivre ? Mais le monologue d’Hamlet, Werther, Manfred sont de grandes beautés, au dire des contemporains qui dirigent la mode des lettres. Et Dumas fait de consciencieux efforts pour être chagrin. Il adopte pour quelques années un masque satanique ; il s’exerce à tousser ; il voudrait souffrir de la poitrine : hélas ! Porthos ne s’assombrit qu’à son corps défendant. Il suit la mode encore en s’éprenant d’abord de l’art dilué de Walter Scott ; mais bientôt il s’attache au romancier écossais par une naturelle inclination. Il fait provision de tableaux, de décors, de costumes. La peinture des époques et des milieux se révèle à sa vue. Tout ce qui s’adresse à l’imagination des lecteurs dans ce réveil du passé frappe soudainement la sienne. Depuis qu’il reçut à Villers-Cotterets Ivanhoe,