où il abandonne le vers pour serrer de plus près la réalité, il écrit Lucrèce Borgia, Marie Tudor et Angelo. Ne méprisons pas la chronologie : elle contient parfois de précieux enseignements. Lucrèce Borgia parut le 2 février 1833. Le 29 mai 1832, Dumas avait donné la Tour de Nesle. L’analogie des deux pièces ne nous saurait échapper : Marguerite et Lucrèce, l’inceste et la mère, la mère et l’inceste ; festins, orgies à la Tour et chez la Negroni, les cadavres de la Seine et du Tibre ; et le récit du début : «… Cette nuit donc, un batelier du Tibre, qui s’était couché dans son bateau… C’était un peu au-dessous de l’église de Santo-Hieronimo. Il pouvait être cinq heures après minuit[1]… » Gennaro et Buridan, capitaines d’aventures, noms de guerre ; Gubetta et Orsini, sinistres machinistes. Victor Hugo a repris le drame au point où Dumas l’avait laissé : « Malheureux ! Malheureux ! Je suis ta mère[2] ! » Il a interverti les rôles et c’est le fils qui tue sa mère. Mais il n’a dédaigné ni les masques, ni les poignards, ni les poisons. Là, ces poisons « brisent les vases qui les renferment » ; ils « transpirent » ici « à travers les murs » du palais ducal[3]. Hugo n’a rien épargné, sauf l’esprit. Si l’on veut voir à plein l’insuffisance de son talent dramatique, on peut comparer Lucrèce Borgia et la Tour de Nesle. À tout coup, la logique souffre, l’invraisemblance crie, depuis la scène où Lucrèce raconte à « Gubetta-poignard, à Gubetta-gibet » ses crimes et ses misères en
- ↑ Lucrèce Borgia, 1re partie, I, sc. i, p. 14.
- ↑ La Tour de Nesle, V, tabl. ix, sc. iv, p. 97.
- ↑ La Tour de Nesle, III, tabl. vi, sc. v, p. 59. — Lucrèce Borgia, 1re partie, II, sc. iii, p. 45.
quelque ennui, à cette conclusion : « Ce qui peut arriver à ces pièces de moins heureux, c’est qu’on les joue ». L’inspiration dramatique (ch. iii, p. 159).