Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
ÉMILE AUGIER

tions d’un égoïsme aveugle et entêté, parce qu’ils personnifient les différentes variétés du scepticisme clérical, gouailleur chez le marquis d’Auberive (qui, depuis les Effrontés, s’est un peu gâté et barbouillé parmi la politique de chambre), ambitieux et emphatique chez Maréchal, tandis que Couturier de la Haute-Sarthe promène de salon en salon son irrésolution influente, et que dans l’eau bénite et trouble la baronne Pfeffers cherche à pêcher un mari, dont le nom et la fortune réchauffent et commanditent sa religion. Cependant la blague pontifie, s’évertue, s’insinue, de la salle à manger au boudoir et du boudoir au Parlement. Elle descend dans la rue. Elle exerce en plein air. Elle est moins dégagée d’allure que celle prêchée par d’Estrigaud ; elle s’efforce à la tradition ; elle se repait des Pères de l’Église. Mais elle est moderne, quand même, si elle n’est pas aussi fringante. Elle est de son siècle bourgeois par la recherche de la parure et de l’effet. Elle est peuple, aussi, quand il le faut. Déodat la démocratise et la teinte d’argot pour les masses. « Il roule le libre-penseur, tombe le philosophe, tire la canne et le bâton devant l’arche », et les badauds des porches font cercle autour du saltimbanque. « C’est un mélange de Bourdaloue et de Turlupin ; la facétie appliquée à la défense des choses saintes : le Dies iræ sur le mirliton ! » et la vente du journal s’accroît, et la lecture en est une pieuse douceur à tous prudents hypocrites, sages fielleux de toutes oppositions, qui dégustent chaque matin, à jeun, ce breuvage selon la formule, dans l’assouvissement de leur haine impuissante et de leurs ambitions refoulées. « Des mots, des mots, des mots », dit Hamlet. Des articles de Déodat, ou des discours de Maréchal, vanité des vanités, déclamation vulgaire ou ampoulée, ramas de grandes phrases sans idées intérieures, où le zèle s’excite à froid, s’exalte en un mouvement enragé pour le lecteur de la rue, s’épanche en des intonations graves que