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LE THÉATRE D’HIER.

prolonge encore la ligne du geste, pondéré, sérieux, spécieux et prédicant à la tribune » d’où la blague tombe psalmodiée, solennelle, presque sainte. « Eh ! messieurs, soyez-en bien convaincus, la seule base solide dans l’ordre politique, comme dans l’ordre moral, c’est la foi !…… »


VII

LES CARACTÈRES.


L’observation des mœurs contemporaines est la force vive et la propre originalité du théâtre d’Émile Augier. À la comédie de caractères ou d’intrigue il a substitué, après Scribe, la pièce morale ou sociale avec une opiniâtreté courageuse en son temps, et qui serait encore démonstrative aujourd’hui. L’équilibre organique du théâtre en a été un peu modifié. La peinture des milieux domine véritablement cette œuvre puissante, dont le principal acteur, partout invisible et présent, est le siècle avec ses erreurs, ses convoitises et ses préjugés bourgeois. Cette comédie venait à point ; elle est, je le répète, l’expression même d’une époque où toutes les classes prenant contact davantage, les individus ont perdu de leur personnalité, les caractères de leur relief, émoussés par l’universel frottement des mœurs. Mais cela ne suffit pas à expliquer l’impression qu’on éprouve, lorsqu’après avoir étudié les questions qui s’agitent en cette œuvre, on s’avise d’étudier les personnages qui y sont mis en mouvement. Cette impression est complexe, et assez délicate à démêler. C’est à la fois le sentiment de la perfection souvent approchée, d’une peinture réaliste et tempérée, d’une composition mesurée et sobre, avec, aussi, des traits ou des types d’une étonnante vigueur. Et pour peu qu’on