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ÉMILE AUGIER

VIII

LES TYPES.


Les plus directement exposés à l’influence des mœurs modernes sont les jeunes gens. Sans cesse alternant entre la sérénité calme de la famille et l’existence agitée du dehors, ils affrontent le vice avec la superbe insouciance de la force neuve et du sang qui bout. Ils s’engouent de tout ce qui leur parait supérieur ; pour eux tout ce qui brille est or, et tout ce qui est or, le travers à la mode, le langage du jour, la philosophie de demain, jette à leurs yeux un éclat qui les éblouit. Toutes les fois qu’ils reviennent s’asseoir au foyer, ils y sont les naturels intermédiaires entre la modernité attractive de la haute vie et la morale grand’mérisée de la maison. Ils ont des banquiers naturels qui sont pétris d’indulgence, des sœurs veuves, qui apprécient la liberté et ne demandent qu’à être initiées aux mystères de l’indépendance ; des sœurs en âge d’être mariées, qui attrapent les demi-confidences, et s’intéressent aux révélations de la Terre promise.

D’autres, qui n’ont ni le loisir ni la fortune nécessaires au plaisir ou au dilettantisme, sont en proie à la fièvre de la lutte, aux impatients désirs, aux soudaines obsessions, et devant le tourbillon qui les fascine leurs yeux se noient, leurs consciences se troublent. Le spectacle du vice en belle posture leur donne un vertige. Ils ont derrière eux un passé d’honneur, de travail, d’enthousiasme, où ils puisent plus d’orgueil que d’espérance : proie facile à l’appel de la morgue brillante et parvenue. Ajoutez quelques femmes isolées, ennuyées ou dépareillées, trop jeunes pour la société dans laquelle elles ont vécu, trop femmes pour renoncer