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Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/203

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ALEXANDRE DUMAS FILS.

voit Tartuffe sur le théâtre ; La Bruyère perce à jour Onuphre dans le cabinet : tous deux ont vu juste. En vain nous va-t-on répétant, en ces dernières années, qu’il suffit de regarder, d’écouter et de noter, pour observer et faire des pièces vraies. Suffit-il d’entendre, en bonne place, les Huguenots, l’Africaine, et Sigurd pour être musicien ? Imaginez le théâtre le plus libre du monde : je défie qu’on n’y soit sans cesse occupé à déranger et arranger la réalité. L’air de vérité est à ce prix ; tout de même l’actrice de vingt ans, qui tient un rôle de duègne, discipline l’indépendance folle de ses frisons sous l’austère bandeau de cheveux gris, et simule, à grand effort, le ravage des rides et l’outrage du temps. — Mais le théâtre de l’avenir ne confiera les rôles de duègne qu’à une duègne. — Mais si la bonne dame a ses rhumatismes… ?

Nous sommes donc ramené à cette irritante question du réalisme théâtral ; et il nous en faut réjouir : car là aussi se voit à plein l’homme de théâtre qu’est M. Alexandre Dumas.

Entre la passion lyrique du romantisme, l’équilibre loyal d’Émile Augier, et l’ingénieuse industrie de Scribe il a pris position nettement. Il n’est point allé au réalisme par aventure. Il s’est d’abord orienté dans cette région que Balzac avait défrichée. Il a pointé vers les questions sociales, vers les irréguliers de la vie ; il y a découvert des infamies courantes et justifiées au nom d’une morale supérieure. Dans l’atelier du peintre Paul Aubry traînent encore quelques souvenirs de la fantaisie romantique. Mais dans, le monde des pêches à quinze sous, dans le salon de Mme Durieu qui communique avec l’office, dans la mansarde de Clara, auprès du berceau du petit Jacques, c’est le réalisme qu’on respire, le réalisme moderne, dont il y a quelque outrecuidance à se prévaloir pour nous imposer avec fanfare la réalité fade et sans intérêt ou l’ordure écœurante et sans excuse.