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LE THÉATRE D’HIER.

pour une maxime de légalité souveraine et d’équité supérieure, je n’oserais pourtant l’affirmer avec lui. Par exemple, il ne convaincra personne, étant donnée cette thèse que la faute du mari est identique à celle de la femme, et que la loi doit prévoir toutes deux également et y apporter même sanction, qu’ici la femme doit être frappée et là le mari épargné ; il ne persuadera personne qu’il entre dans les desseins de la justice immanente qu’où le prince Georges a péché, c’est l’innocent mouton, le pauvre étourdi de Fondette qui doit périr. Si l’on n’avait pris soin d’invoquer, tout le long de la pièce, les lois, les justes lois, ou plutôt d’incriminer nos lois aveugles et imparfaites, j’apprécierais en toute candeur ce dénoûment qui satisfait, après tout, à la justice relative du théâtre, qui termine une pièce malaisée à clore, et je m’en irais sans défiance, profondément remué par un magicien de la scène. Mais, au nom d’Idées supérieures, on m’a fait entrevoir que notre législation est incomplète, que contre des fautes pareilles pareil recours est rationnel et immédiatement exigible ; et voilà ce qu’on me donne à la fin, pour contenter le désir de justice absolue qu’on a éveillé en moi, et telle est la solution philosophique qu’on me propose, qui est un leurre du raisonnement, si elle est un prestige de l’art ! — Mais il suffit que le public quitte le spectacle, irrité, agité, averti. — Mais, outre que chaque pièce lui apporterait utilement une nouvelle assurance en la foi que la précédente lui avait prêchée, outre qu’il profiterait à l’ensemble de l’œuvre didactique de représenter une série d’Idées conformes, et non point une suite d’argumentations divergentes, il est surtout et par-dessus tout désavantageux à une doctrine, si doctrine il y a, de varier avec l’atmosphère du sujet et la température de la pièce. Dans mon trouble, je crains qu’on ne se joue de moi ; et c’est en vain qu’on prétexte, pour me rassurer, toutes les nécessités de la composition théâtrale.