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LE THÉATRE D’HIER.

unir par le mariage la repentante et le chrétien, puisque ce Dieu ne permet l’amour que dans le mariage. Et, si c’est un sacrifice pour elle, elle doit d’autant plus l’accomplir, puisque quiconque ne porte pas sa croix ne peut être disciple de Jésus. Et si cette chrétienne n’agit pas de la sorte, elle sera au-dessous de cette pécheresse puisqu’elle doit non seulement abandonner toutes les autres brebis pour celle qui est perdue, mais encore son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, ses enfants pour suivre son Dieu, qui proclame le pardon au-dessus de la vertu[1]. »

Il y aurait quelque perfidie à argumenter contre ces lignes de la préface — qui ont tout l’aspect d’une mosaïque disparate et, au premier examen, semblent un cliquetis de mots sacrés, — si elles étaient seulement un commentaire ou une glose, et non pas le fidèle résumé des arguments divers que la pièce développe et le fond même de l’étrange doctrine qu’elle veut illustrer.

Malgré moi, je suis d’abord en défiance contre un sermon, où le prédicateur choisit pour épigraphe les plus extrêmes postulats d’une morale, quelle qu’elle soit. Et, a priori, j’imagine malaisément que la doctrine chrétienne, qui sur les autres philosophies a eu l’immédiat avantage de s’adapter à la foi populaire et aux nécessités de la vie ; que la morale de cette doctrine, qui repose sur la conception du Dieu fait homme, né des entrailles de la femme pour être de notre chair et racheter notre sang, nous puissent induire à mortifier l’amour maternel, après l’avoir glorifié dans le premier de ses mystères, l’Incarnation. Mais laissons cela, qui est article de foi, et suivons M. Alexandre Dumas dans le labyrinthe de son raisonnement. Il prend avantage de deux textes de la Loi.

« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi, etc… » — « Qui d’entre vous, possédant cent brebis et en ayant perdu une, ne laisse dans le désert les quatre vingt-dix-neuf autres pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la

  1. Préface des Idées de Madame Aubray.