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ALEXANDRE DUMAS FILS.

tienne, assurément non. Madame Aubray n’a pas l’esprit chrétien.

Le caractère est empreint d’une grandeur plus indulgente et modeste, cette fois, et plus proche de la foi sincère, naïve et un peu étroite ; mais je tiens que l’auteur abuse de l’Évangile contre une femme sans défense et que sa thèse heurte et déconcerte une âme élue. Elle viole les droits les plus naturels et l’affection la plus sacrée, même dans le dogme catholique, grâce à un paralogisme qui impose par le respect de l’Écriture, dont on se réclame et que l’on torture outrageusement. À cette heure, la logique est fantaisiste ; la déduction à outrance pèche en ses prémisses et gauchit aux conclusions. Mme Aubray est une sainte femme, qui a fondé une œuvre en faveur des filles repenties, qui prêche le pardon universel, et qui le prêche d’exemple par ses mœurs et son austérité sans ostentation. Elle a un fils, docteur, élevé dans les mêmes principes, en âge d’être pourvu, à qui elle destine la fille de son ami Barantin… à moins qu’il n’aime ailleurs. Le talent est de ravoir fait amoureux de Jannine, une jeune femme qui a un enfant, qui a été séduite, qui persiste à voir le père par intervalles, et qui, inconsciente, vit des ressources qu’elle en reçoit. Cet homme s’est marié à une autre femme ; et il continue à remplir son devoir d’homme correct, sinon d’honnête homme. Tous ces personnages sont vus avec une acuité de regard et mis en scène avec une maîtrise incomparables. C’est toujours la même chose et l’on ne saurait trop insister. Donc le théoricien s’en mêle et le théologien prophétise ainsi qu’il suit :

« Il résulte nécessairement de la Loi qu’une mère comme Mme Aubray ayant un fils comme Camille, se déclarant chrétienne et l’ayant voulu chrétien, si elle rencontre cette brebis égarée qu’on nomme Jannine, devra la recueillir et la ramener au bercail. Et s’il arrive que son fils chrétien aime cette pécheresse repentante, cette mère doit encore, sous peine de renoncer son Dieu et que son Dieu la renonce,