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LE THÉATRE D’HIER.

sympathies un peu rancunières de ce tant flagorné suffrage universel. Modestement, je lui sais gré d’en être resté à Hermine, sans aller jusqu’à Paulette, et d’avoir seulement risqué « l’idéal selon la formule », sans pousser jusqu’à l’idéal selon les muscles, qui est « raide », s’il n’est point du tout « rococo ». Je veux croire qu’il y a cent Paulettes à Paris, et cent encore, pour faire la bonne mesure, et que c’est le monde de demain. Mais, pour Dieu, n’allons pas plus vite que le siècle, qui va bon train déjà. Est-ce à dire que la poupée excentrique de Gyp ne se rencontre jamais avec les petites veuves de M. Pailleron ? Au contraire. Il y aurait même plaisir à comparer quelques-unes des réflexions de ces doctes ingénues : peut-être, en fin de compte, y verrait-on que M. Pailleron note, et que Gyp, la moderne Gyp transpose.

Ici les femmes ne sont ni trop délurées, ni trop tristes, ni trop révoltées, ni trop victimes. La mesure était difficile à garder. L’auteur s’est contenté de les vieillir un peu, à vingt ans, par le contraste des maximes ironiques qu’elles débitent, et de la jeunesse qui triomphe sur leur visage, avec des sourires désabusés et des cœurs encore neufs. Presque toutes ont fait des mariages de raison, c’est-à-dire hâtivement dépêchés, et sont veuves, ou en passe de l’être, ou point trop désolées à l’idée de le devenir. De l’amour elles n’ont guère connu que l’autre motif, et elles l’appréhendent, parce que les fades compliments dont elles sont poursuivies, sont pires que l’abandon, et qu’à être recherchées ainsi elles se sentent en leur mérite déchues et ravalées. Cela leur donne un air mélancolique et résolu, un esprit agressif et attristé, qui tranchent singulièrement sur les mines banales des soupirants. Quelques-unes, qui ne sont pas séparées, mais négligées de leur mari, en ont pris assez bien leur parti, et se plaisent aux représailles : elles ne sont guère qu’une nouvelle édition de l’ancien réper-