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LE THÉÂTRE D’HIER.

de l’existence moderne, telle qu’on la suppose imprimée dans le cerveau d’un clubman très boulevardier. Leur observation, leur philosophie, l’angle sous lequel ils voient la comédie humaine, tout cela, sent son homme d’esprit, un peu fatigué, qui contemple sans angoisse le défilé des ridicules élégants, insouciants et à la dernière mode, assis dans un fauteuil capitonné, contre la fenêtre de son Cercle.

De ce poste d’observation, soit qu’il dirige ses yeux sur le boulevard, ou qu’il se contente de prendre garde aux propos qui se tiennent autour de lui, cet homme d’esprit trouve également de quoi intéresser son dilettantisme curieux d’un tout petit nombre de choses toujours les mêmes. Ce Max, moins troubadour et plus sceptique que celui de M. Pailleron, ne prend de réel plaisir qu’aux lieux communs de la parlotte ou du club élégant. Sa philosophie est faite de tous les potins des salons et des boudoirs, des ateliers et des tribunaux, des théâtres et des alcôves, des théâtres qui ont un dégagement sur les alcôves, et des alcôves qui ont une ouverture sur les théâtres. Lardons scandaleux, séparations de corps, l’exposition select de Rouge et Noir, l’exhibition plus select de Noir et Rouge, les luministes dont le monde se moque, et les intentionnistes qui se moquent du monde, le succès de la Petite Poularde, les cocottes qui sont actrices, les actrices qui sont cocottes, et les petites mondaines qui s’improvisent actrices en attendant mieux, tout cela emplit et occupe sa pensée sans encombrement ; et il en parle, comme on en parle alentour, d’un certain ton dégagé, mesuré, presque gai, sans effusion. Et MM. Meilhac et Halévy voient le même monde de la même fenêtre, en écoutent l’entretien, assis dans le même fauteuil du même Cercle ; ils n’en perdent ni un geste ni un sous-entendu ; et, d’un esprit plus alerte et mordant ils rendent à ce public d’un parisianisme surperfin ce qu’il leur a prêté.