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MEILHAC ET HALÉVY.

Point d’amertume en eux ni d’insistance dans la satire. Les types qui ont posé devant leur crayon, sont enlevés de profil, quelquefois de dos, rarement de trois quarts. Les portraits de face ne les tentent guère : il y a là trop de dessous à étudier, de nuances à ménager, de valeurs à pousser. Demandez-leur le croquis d’un avoué, l’esquisse d’un avocat, la silhouette d’un peintre : leurs cartons en sont remplis, et les études sont d’une verve pincée, originale. Il faut lire l’audience du iiie acte de la Boule, ou le iiie acte de la Cigale. C’est bouffonnerie, mais non pas de médiocre qualité. Cela est mordant, inoffensif et léger.

Les plus hautes conceptions de l’homme à la mode sont l’âme même de ce comique. Les malicieux auteurs ont dévoilé les mystères de Vénus et de Thalie, qui tiennent tant de place en cette existence dorée et factice. Le théâtre surtout, avec son personnel et son laboratoire, le théâtre d’Indiana et Charlemagne, ils en ont entr’ouvert les coulisses ; ils ont révélé les moins innocents secrets de la pièce vue à l’envers. La légendaire vanité de la gent comédienne, encouragée par l’incomparable snobisme de la fine fleur boulevardière, est égratignée par eux ; la vertu des étoiles chiffonnée, la niaiserie des satellites étalée sans ostentation. Ils ont créé un La Musardière d’un romantisme falot, et un mari de débutante arrivée, qui constituent une plaisante trahison du secret professionnel. Ils ont fait voir jusque dans Froufrou l’empiètement du théâtre dans les salons, et les immédiats effets du cabotinage séculier sur ces petites cervelles affolées de « chic ». Et, de toutes les frivolités mondaines cet art d’un lyrisme et d’un goût douteux étant la plus frivole et la plus envahissante, ils n’ont pas manqué d’en extraire une manière de morale peu dogmatique, qui passe la rampe et s’insinue joyeusement en ces têtes peu rebelles. La morale relative de l’opérette complète la sagesse dilettante du Cercle. Et