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LE THÉÂTRE D’HIER.

vers, de ridicules et de vices, ombres eux-mêmes, à cette réserve près, qu’ils parlent, qu’ils gesticulent, qu’ils sont vêtus à la mode, et qu’ils rient ou pleurent congrûment. Ils sont des abstractions, qui ont toute l’apparence de vivre.

Le procédé de l’auteur est limpide. Pour faire une pièce, il faut des rôles. Il imagine donc deux, trois, quatre, dix, vingt rôles selon les exigences du sujet et les dimensions de l’appartement. Le satirique Aristophane représentait Euripide confectionnant une tragédie au milieu de sa garde-robe dramatique. M. Sardou, qui n’est pas Euripide, travaille dans son atelier. Il a un magasin. Il habille sur mesure ; il tient aussi le tout fait. Il a un salon d’essayage, par où le rôle passe d’abord. Un rayon du meuble est adjoint à celui du vêtement. Relisez cette analyse psychologique du personnage complexe qui a nom Séraphine ; Séraphine avant et après. Avant.

« Pense que nous étions, il y a quelques années à peine, la femme la plus adulée, la plus adorée ! Ce n’était que spectacles, fêtes, bals et concerts !… Et des toilettes !… Notre apparition dans un salon faisait événement ; nous étions d’un consentement unanime la belle madame Rosanges ! En 45, à l’aurore de la polka, Séraphine dansant la polka suivant la méthode Laborde ou Cellarius… Quel tableau ! »

Après.

« Regarde ce salon, où la mondaine d’autrefois le dispute encore à la nouvelle convertie ! Le tapis est sombre, mais il est doux au pied. Les meubles affectent des formes austères qui protestent contre les contorsions avachies du mobilier moderne ; mais les coussins sont d’un moelleux qui rappelle que la chair a ses droits… Une chapelle dans un boudoir. »

Dans l’entr’acte la toilette est changée, le mobilier renouvelé ; c’est une façon de complexité qui donne la vie aux caractères. Les premiers actes, et quelquefois les seconds, sont à la fois des exhibitions de décors et des expositions de modèles de coupe. Ajouterai-je que M. Sardou, qui connaît son affaire, appuie le trait au bon endroit, justement à l’endroit qu’il faut pour donner un tour d’actualité aux physionomies ? Ses per-