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VICTORIEN SARDOU.

rait jamais que sous la forme d’une équation philosophique, dont il s’agit de dégager l’inconnue. » Et il ajoute aussitôt ce précieux commentaire : « Je dis que ma pièce (la Haine) avait son âme, parce qu’il n’est pas de pièce viable, si elle ne repose sur une idée primitive, éternellement juste et vraie, et que j’avais le bonheur d’être en possession d’une idée de cette sorte : La femme versant à boire à son propre bourreau… » — Je vois ce que c’est. L’équation philosophique, la morale, l’observation et le réalisme de M. Sardou se formulent d’un mot, le dernier mot du metteur en scène : tableau !


III

CARACTÈRES ET SITUATIONS.


Les imaginatifs sont optimistes. En cela même ils se distinguent des observateurs. Pour M. Sardou l’homme est bon, sortant des mains de la nature ; il n’est pas mauvais non plus, à très peu d’exceptions près, quand, le rideau baissé ; il quitte la scène pour rentrer dans la coulisse. C’est une bénigne influence que la faveur du ciel ne laisse pas uniquement tomber sur les raisonneurs de ce théâtre — Olivier de Jajin, de Ryons plus pacifiques et doux — mais qu’elle verse à profusion sur le grand nombre de ces élus. Je ne sais même rien de plus réconfortant que ce jour favorable projeté sur l’humanité que nous sommes depuis quelque cinquante années ; et l’on se réjouit d’être venu à temps pour vivre parmi des générations si foncièrement bonnes, que le pessimisme de Schopenhauer n’a aucunement entamées. Ces hommes et ces femmes ont des travers, des ridicules, et peut-être des vices ; mais ils ont aussi l’esprit de s’en guérir avant la fin de la représentation. Disons mieux : ils n ont que des ombres de tra-