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LE THÉÂTRE D’HIER.

« Bovary ! s’écrie la Parisienne, pariez donc de sagesse et de retenue à une femme. Qu’elle reste dans sa maison, et sa maison prospérera : je t’en moque ! »

Il y a vu que les unes, esprits étroits et attardés, sont honnêtes par indifférence ou par routine, comme madame Chevalier[1] ou madame Vigneron[2], d’autres préservées par l’instinct de la maternité, comme madame de la Roseraye[3], tristes, celles-ci, et mal récompensées d’avoir vieilli, muettes, dans la soumission et le dévoûment ; plus, rares aussi, et que l’auteur a observées d’un peu loin. Il y a vu enfin que plusieurs ont placé à propos leur capital et en mitonnent industrieusement les intérêts : prêtresses de table d’hôte, dont les pensionnaires se suivent et se ressemblent, dont les caprices se multiplient et se répètent, et dont notre ingénuité fait le charme. Antonia, la capiteuse Antonia[4], la délicieuse fille de Mme Crochard, voilà le type que M. Becque a croqué d’un crayon magistral, dans une malicieuse admiration.

Elle lui est apparue d’abord comme une fine merveille, un assemblage très piquant de bon sens et de fantaisie, de prévoyance et de caprice, d’expérience et de simplicité, de sagacité myope, de tendresse pratique, de distinction acquise et de vulgarité innée. Il est assuré que M. Becque est plein de respect pour les menues perfections de cette petite personne évaporée et entendue ; qu’il a de la déférence pour le train de sa maison, pour sa tenue élégante et digne, pour sa frivolité sérieuse, pour son entrain et son calme imperturbables. Il aime cette science de la vie et des hommes, et ce grand air qu’elle a dans les conventions et les arrangements, et la scrupuleuse exactitude qu’elle apporte à l’exécution des contrats. Il goûte fort le

  1. Les Honnêtes femmes.
  2. Les Corbeaux.
  3. Michel Pauper.
  4. La Navette.