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HENRY BECQUE.

par surcroît, et à bref délai, le retour de la fortune à ceux qui l’ont rudement acquise, au prix des plus durs travaux et des plus suppliciantes concessions. Et vous voyez de reste que tout cela est tissu d’étoffe solide, de réalité loyale et hardie, toute la matière d’un chef-d’œuvre…

Oui, mais cela est lugubre. — Il est vrai, mais la mort n’est pas folâtre, et les affaires sont les affaires. — Sans doute, mais quatre femmes en deuil et un notaire en redingote, et pas un honnête homme, et des noirceurs, et des brutalités ! — Vous m’inquiétez ; et je songea présent, que si l’œuvre, en son ensemble, accuse une observation âpre, un courageux talent et un dédain méritoire des succès faciles et des concessions prudentes, il est véritable, aussi, qu’elle soulève en maint endroit des répugnances et des dégoûts, et que ces endroits-là, où l’auteur semble avoir pris plus de peine, ne sont ni nécessaires, ni logiques, ni toujours vraisemblables, ni même vrais. Que dans toute cette affaire n’apparaisse pas une conscience droite, cela se peut ; que l’architecte capitule, cela se voit. Que M. Dupuis se fasse payer deux fois, c’est un fripon, et il a des frères. Mais que Merckens, le croque-notes, le coureur de cachets, devienne tout à coup grossier avec sa jeune élève, et déclare qu’il n’est pas obligeant, et lui rie au nez avec les cinq parties du monde, c’est décidément trop. Voici que je fais des réflexions et des réserves, et je me dis : « Ce pied plat, s’il est tellement perverti, laisse échapper une belle occasion d’être plus habile. Au contraire, il joue de la plaisanterie, il est cynique, il a de l’esprit, il en fait ; il a des mots à l’emporte-pièce sur l’apoplexie foudroyante, et des maximes sur la vertu des femmes, comme un moraliste de coulisses. Il fait des gestes, il prend une pose ; on dirait qu’il s’évertue. » Et, chemin faisant, je distingue qu’ils sont tous ainsi, les corbeaux. Il y a deux ou trois moments dans la pièce où ils lissent leurs plumes, aiguisent