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ÉMILE AUGIER

au dénoûment. Il parait que la comédie classique, qui se bornait à l’étude des caractères, s’en préoccupait peu, et que les conclusions de Molière viennent tant bien que mal au bout de la pièce, après que le trait de chaque personnage est parachevé, alors qu’il se fait temps de mettre un point final. La comédie de mœurs est plus exigeante, étant plus compliquée ; il faut à l’intrigue un dénoûment qui soit franchement une solution. En cela, Émile Augier fut heureusement servi par l’idée fondamentale de son œuvre. Le mariage, si souvent banal ou forcé chez d’autres, est au regard de chacune de ses pièces une conclusion nécessaire, et comme une obligatoire moralité. L’intérêt s’accroît de toutes les contrariétés subies et de tous les désirs inspirés. La fille trop riche, si elle rencontre enfin un homme qui l’aime, après mille indécisions en arrive raisonnablement à l’épouser. C’est la pièce même ; c’en est la fin, dans tous les sens du mot. Il serait fâcheux que Valère ne fût pas uni à Marianne ; mais il est surtout urgent que Tartufe soit expulsé de chez Orgon. Au contraire, ne voyez-vous pas dans les Fourchambault à quel point il est indispensable que Bernard épouse Maïa ? Car l’œuvre entière ne tend qu’à relever les irréguliers de la naissance, et à leur concéder le devoir, comme aux autres, de fonder un foyer. Une comédie où la famille est en jeu, aboutit nécessairement au mariage, qui en est la base. Notez que le dénoûment est aussi persuasif, quand il s’agit d’une union d’abord troublée, qui semble mal assortie, et dont les nœuds se resserrent enfin. La rentrée en grâce des époux est une sanction. Et bien que cette issue résulte légitimement de la conception même de ce théâtre, Émile Augier n’a pas hésité à dénouer ses pièces autrement, quand l’intérêt même de la famille ou de la société l’exige, et à rompre sans appel l’union immorale ou odieuse. Témoin le coup de pistolet qui termine le Mariage d’Olympe et le farouche désespoir de Pommeau à la fin des